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Le marché du travail québécois est non seulement en pleine mutation, mais il est confronté à des vents contraires. Alors que les départs massifs à la retraite des baby-boomers entraînent des besoins de main-d’œuvre croissants, les préoccupations face aux impacts des changements technologiques sur les travailleurs les plus vulnérables se multiplient. Ces changements viennent bouleverser les façons de faire établies et remettent en cause les paradigmes actuels.
Déjà, les outils d’analyse traditionnels comme le taux de chômage et la création d’emplois semblent plus utiles pour comprendre le passé que pour se préparer au futur. ll est temps de regarder en avant plutôt que dans le rétroviseur. À ce chapitre, cette analyse vise surtout à innover en rendant accessible un diagnostic sur l’état du marché du travail québécois qui va au-delà des mesures généralement suivies et à mieux en cibler les forces et faiblesses afin d’agir comme levier de changement à court et moyen terme. L’Institut du Québec compte ainsi alimenter le débat public afin de mettre en œuvre les meilleures solutions et de planifier plus adéquatement notre avenir collectif.
Dans le meilleur des cas, ces travaux serviront à élaborer une feuille de route qui permettra de mesurer les progrès des actions mises de l’avant pour améliorer la qualité globale du marché du travail. Certes, le défi est de taille et l’enjeu risqué, mais il est préférable de se lancer dans l’aventure avec humilité et ouverture, plutôt que de fermer les yeux et attendre que la tempête soit passée avant d’en étudier les impacts.
Notre analyse repose sur le choix de trois piliers qui ne s’inscrivent pas dans une vision strictement économique du développement, mais qui inclut également les enjeux sociaux et environnementaux. Ces trois piliers sont : Performance, efficacité et rémunération ; Inclusion et durabilité ; et, Adéquation et développement des compétences. Purement économique, le Pilier 1 brosse un portrait de la vigueur du marché du travail et de la qualité des emplois à partir de mesures plus traditionnelles. Le Pilier 2 présente des aspects à la fois économiques et sociaux. Il s’intéresse à l’inclusion des groupes sous-représentés en emploi et aux déterminants de la durabilité d’un marché du travail de qualité à plus long terme comme le bien-être des travailleurs et les inégalités de revenus. Enfin, le Pilier 3 porte sur l’adéquation et le développement des compétences qui s’imposent comme l’élément central d’un marché du travail performant et résilient face aux bouleversements technologiques.
L’information est présentée sous la forme d’un tableau de bord détaillant quarante-six mesures regroupées en vingt-et-un indicateurs.
Au Québec, le marché de l’emploi est vigoureux et les emplois semblent plutôt stables malgré les craintes suscitées par l’émergence de nouveaux modèles d’affaires propres à l’économie de partage. Le taux d’emploi chez la population généralement active (25-54 ans) est d’ailleurs particulièrement élevé et le nombre de travailleurs à temps partiel involontaire connaît une baisse constante. Très encourageants, ces signes témoignent d’une grande résilience du marché du travail face au vieillissement de la population.
Par ailleurs, le nombre d’emplois bien rémunérés et le pouvoir d’achat des travailleurs se sont aussi accrus au Québec au cours des dernières années. Toutefois, bien que l’on puisse enfin y observer une hausse du nombre d’emplois offrant des salaires excédant 25 $ de l’heure, notons que cette progression n’aura permis au Québec que d’effectuer un certain rattrapage face à l’Ontario. Finalement, la croissance des salaires tant attendue s’accélère enfin.
Mais attention, ces succès semblent davantage conjoncturels et pas nécessairement soutenables à plus long terme. Si le Québec ne performe pas mieux en matière de compétitivité de la main-d’œuvre, les bons résultats observés en 2018 risquent d’être éphémères. Tant pour la productivité du travail que pour les coûts unitaires de main-d’œuvre, non seulement le Québec performe moins bien que l’Ontario, mais l’écart entre les deux provinces s’est accentué au cours des dernières années.
Dans l’ensemble, l’intégration en emploi des jeunes, des immigrants, des femmes et des travailleurs de 60 ans et plus s’améliore. Toutefois, malgré ces récents progrès, le Québec traîne encore de la patte en matière d’intégration en emploi des immigrants nouvellement arrivés (cinq ans et moins) et de rétention des travailleurs expérimentés (60 ans et plus). Au chapitre des bons coups, le Québec se démarque favorablement à l’échelle internationale en ce qui concerne la participation des femmes au marché du travail, et plus spécifiquement, des mères de famille.
Bien que les discours des gouvernements fédéral et provincial soient fortement axés sur l’importance de mieux intégrer en emploi les personnes autochtones et celles vivant avec une incapacité, il n’existe actuellement peu ou pas de données fiables qui soient mises à jour assez régulièrement pour en mesurer l’évolution avec précision. Comme l’intégration en emploi de ces groupes s’avère indispensable à notre économie, il apparaît essentiel d’en documenter l’évolution de façon plus systématique.
D’autres facettes du marché du travail méritent aussi d’être mieux documentées. À une époque où la transition énergétique et l’atteinte des cibles de réduction de gaz à effet de serre sont devenus prioritaires, le temps est venu de mieux documenter la notion « d’emplois verts » ainsi que leur évolution. Les mesures de conciliation travail-famille, de flexibilité du travail et de bien-être général des travailleurs, qui sont au cœur du virage qui permettra d’attirer et de retenir davantage de travailleurs en emploi, devraient également être analysées et documentées de façon plus systématique.
Finalement, le Québec fait bonne figure à l’échelle canadienne en ce qui concerne les écarts de richesses entre les citoyens.
Le bassin de travailleurs potentiels – soit les personnes âgées entre 15 et 64 ans – a cessé de croître au Québec. Alors que ce groupe demeure en croissance dans la métropole, il décroît de façon continue dans le reste du Québec depuis 2014. Cette situation s’explique notamment par une plus forte immigration à Montréal que partout ailleurs au Québec. Ce clivage entre la métropole et les autres régions du Québec s’observe aussi sur le plan de la création d’emplois. Cette réalité se traduit par des besoins de main-d’œuvre et des degrés de tension du marché du travail très inégaux d’une région à l’autre. Chaudière-Appalaches, la Capitale-Nationale et l’Abitibi-Témiscamingue sont parmi les régions où les besoins en matière de main-d’œuvre sont les plus criants.
Dans ce contexte où la demande de travailleurs surpasse l’offre, il est important de prioriser certains secteurs ou professions jugés plus stratégiques pour le Québec et tout mettre en œuvre pour y atténuer les impacts néfastes du manque de main-d’œuvre. Cette réflexion doit se faire tant au niveau de l’offre de services à la population que du développement économique. Bien que des efforts en ce sens ont été entrepris par les ministères concernés, peu d’information publique existe à ce sujet, ce qui limite la portée des actions entreprises.
Avec l’accélération des changements technologiques, la formation – initiale et continue – et le développement des compétences (surtout les compétences de base en littératie et numératie) seront de plus en plus importantes pour permettre aux travailleurs d’être résilients. À ce chapitre, le Québec s’améliore mais performe moins bien que l’Ontario.
La diplomation au niveau secondaire dans les temps requis s’est améliorée au cours des dernières années, mais ce progrès n’est pas suffisant pour permettre au Québec de quitter la dernière position à ce chapitre au classement des provinces canadiennes. Le Québec tire toutefois bien son épingle du jeu sur le plan de la diplomation postsecondaire. Malgré cette bonne performance, l’écart continue de se creuser entre le Québec et l’Ontario quant à l’obtention d’un diplôme d’étude tertiaire.
Tant à Québec qu’à Ottawa, les gouvernements ont déployé d’importantes ressources en vue de stimuler la formation tout au long de la vie des travailleurs. Malheureusement, force est d’admettre que les données disponibles sur la formation continue des travailleurs ne permettent pas de brosser un portrait clair et convaincant de la réalité. Cette situation est problématique car il est non seulement difficile d’en suivre l’évolution, mais il devient alors carrément impossible de mesurer les retombées des récents investissements gouvernementaux.
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