Finances publiques
RAPPORT
23 min

À quoi pourrait ressembler un plan de retour à léquilibre budgétaire?

Simulations de long terme des dépenses et des revenus du gouvernement du Québec

Rapport
Communiqué de presse
13 mars 2025

En bref

Distinguer gestion de crise et tendances structurelles

  • Face à un déficit de 11 G$, le Québec doit équilibrer son budget d'ici 2030 pour respecter sa Loi sur l'équilibre budgétaire, un défi majeur que la guerre commerciale ne fait qu'amplifier. Cette conjoncture difficile forcera probablement le gouvernement à déployer des mesures d’urgence coûteuse et à composer avec une baisse de ses revenus, ce qui rendra plus difficile l’atteinte de l’équilibre budgétaire.

  • Pour éclairer les choix à venir, notre étude simule, grâce au modèle du Conference Board du Canada, deux scénarios. Le scénario de référence prolonge la situation actuelle et analyse ce qui se passera si nous maintenons le cadre financier présenté par le ministère des Finances en novembre 2024. Un second scénario illustre l'ampleur des efforts nécessaires pour revenir à l'équilibre dans les délais.

  • Si ces projections n'intègrent pas les turbulences commerciales actuelles, elles permettent néanmoins d'identifier les ajustements nécessaires à long terme. Le déficit actuel résultant principalement de déséquilibres structurels, la distinction entre effets temporaires et permanents s'avère essentielle pour une meilleure compréhension des défis budgétaires.

  • Ce rapport ne formule pas de recommandations, mais propose plutôt une analyse des trajectoires possibles des finances publiques pour nourrir la réflexion sur les choix budgétaires à venir.

Sans coup de barre additionnel: les lois budgétaires ne seront pas respectées

  • Le Point sur la situation économique et financière du Québec de novembre 2024 proposait déjà un important coup de frein, visant à ralentir la croissance des dépenses. Or, sans intervention supplémentaire pour rectifier la trajectoire des dépenses et des revenus, le déficit au sens de la Loi sur l'équilibre budgétaire ne se résorbera pas dans l’horizon de modélisation.

  • Plus préoccupant encore, le ratio dette/PIB atteindrait 38,7 % en 2032-2033, dépassant largement la cible légale de 30,5-35,5 %.

  • Cette situation découle principalement de l'important déficit de départ et du vieillissement de la population qui pousserait à la hausse les dépenses en santé après le coup de barre prévu.

  • Malgré une hausse légèrement plus rapide des revenus (3,2 %) par rapport aux dépenses totales (3,1 %) après 2030, ce faible écart ne permettrait pas de corriger le déséquilibre structurel initial.

  • La seule bonne nouvelle concerne le service de la dette, qui continuerait à diminuer, bien que plus lentement qu'auparavant, passant de 6,5 % en 2024-2025 à 5,1 % dans 20 ans.

À quoi pourrait ressembler un plan pour revenir à l’équilibre en 2029-2030

  • Notre analyse examine un scénario de retour à l'équilibre budgétaire qui respecterait les engagements gouvernementaux : assurer un financement stable des missions essentielles de l'État en santé et en éducation sans augmenter le fardeau fiscal des Québécois.

  • Pour atteindre l'équilibre budgétaire, ce scénario maintient donc les taux de croissance restreints annoncés dans la mise à jour de l'automne pour les secteurs prioritaires, soit 2,4 % en santé et 1,8 % en éducation jusqu'en 2026-2027. Par la suite, la croissance des dépenses dans ces deux portefeuilles est alignée sur les tendances démographiques.

  • Les autres dépenses gouvernementales devraient quant à elles stagner (+0,5 % par an jusqu'en 2029-2030) pour parvenir à réduire les dépenses totales. Ceci générerait des économies de 3,9 G$ en 2029-2030 qui, bien que substantielles, seraient insuffisantes pour atteindre la cible.

  • Pour combler l'écart restant, il faudrait donc augmenter également les revenus. Un des leviers les plus plausibles est une hausse des taxes à la consommation. Pour combler l'écart, il faudrait par exemple aller chercher 1,6 G$ de revenus supplémentaires en TVQ en 2029-2030, équivalant à une augmentation de la TVQ d'environ 0,5 point de pourcentage.

  • Cette combinaison d'efforts permettrait d'atteindre l'équilibre budgétaire dans les délais et de respecter les cibles de dette, avec un ratio dette/PIB de 30 % en 2037-2038.

  • Toutefois, ce scénario comporte des risques : la contraction des dépenses hors santé et éducation serait non seulement très difficile à manœuvrer mais pourrait aussi affecter de manière importante la qualité des services publics, tandis que la hausse des taxes pourrait peser sur les ménages les plus modestes si des mesures compensatoires n’étaient pas mises en place.

En conclusion

  • Le retour à l'équilibre budgétaire exigeait déjà des choix particulièrement difficiles avant même la guerre tarifaire avec les États-Unis. Cette nouvelle réalité économique pourrait justifier un rééchelonnement du plan de redressement, comme le permet d'ailleurs la version révisée de la loi en cas de ralentissement économique - une flexibilité essentielle pour que l'État puisse jouer son rôle stabilisateur en période de crise.

  • Toutefois, cette conjoncture difficile ne doit pas faire perdre de vue l'enjeu structurel: une population vieillissante qui exercera une pression croissante sur nos finances publiques. Une stratégie de retour à l'équilibre reste donc nécessaire, mais sa réussite dépendra surtout de ceux qui, sur le terrain - syndicats, travailleurs, fonction publique et entreprises - devront trouver des solutions concrètes pour améliorer la productivité et l'efficience des services publics.

Distinguer gestion de crise et tendances structurelles

Le budget du Québec est l'exercice financier le plus important du cycle gouvernemental. En plus d'être l'assise de la gestion des finances publiques, il présente la vision économique du gouvernement ainsi que les mesures qu'il entend prendre pour la réaliser. Cette année, cet exercice sera particulièrement délicat parce que le gouvernement du Québec devra relever deux défis majeurs.

D'abord, la Loi sur l'équilibre budgétaire a fixé une échéance claire : le gouvernement doit présenter en mars 2025 sa stratégie pour atteindre l'équilibre budgétaire d'ici 2029-2030. Le défi initial était colossal avant même la guerre commerciale avec les États-Unis : combler un déficit de 11 G$, dont 3,2 G$ sont structurels – c'est-à-dire qu'ils persisteraient même dans une économie florissante. Le gouvernement s'est imposé des contraintes sévères : maintenir la qualité des services de santé et d'éducation sans augmenter le fardeau fiscal des Québécois. Il s'agissait déjà d'une équation difficile à résoudre.

Ensuite, les tensions commerciales qui secouent le Canada et le Québec bouleversent un scénario économique qui s'annonçait pourtant favorable. Aujourd'hui, cette turbulence oblige le Québec à mettre en œuvre des mesures d'urgence coûteuses, tout en s'adaptant à une baisse de ses revenus.

La Loi prévoit cependant une porte de sortie : face à une « détérioration importante des conditions économiques », Québec peut revoir ses ambitions. Avec la menace des tarifs américains et le risque croissant de récession, cette clause de flexibilité pourrait rapidement devenir centrale dans le débat.

Certaines mesures sont déjà en place, comme la révision de certains crédits d'impôt et le ralentissement des dépenses publiques, tandis que le prochain budget en révélera d'autres. Mais à quoi ressemblerait concrètement ce chemin vers l'équilibre budgétaire ? Pour répondre à cette question, nous avons élaboré différents scénarios avec le Conference Board du Canada.

Ces scénarios, qui se concentrent sur les tendances de long terme, ne tiennent pas compte des impacts de la guerre commerciale avec les États-Unis, dont la nature imprévisible rend l'exercice de modélisation particulièrement complexe. L’approche que nous proposons demeure pertinente, car l'enjeu du retour à l'équilibre budgétaire s'inscrit dans le long terme.

Nous avons analysé deux trajectoires possibles pour les finances publiques québécoises. La première prolonge la situation actuelle et analyse ce qui se passera si nous maintenons le cadre financier présenté par le ministère des Finances en novembre 2024. La seconde illustre l'ampleur des efforts nécessaires pour revenir à l'équilibre dans les délais. Notre objectif consiste à clarifier les implications concrètes de ces deux voies différentes : l'une où le Québec s'engage résolument vers l'équilibre budgétaire, et l'autre, où il vit avec ses déficits.

Sans coup de barre additionnel: les lois budgétaires ne seront pas respectées

Le scénario de référence montre l’évolution naturelle des finances publiques du Québec, sans intervention additionnelle du gouvernement. C’est-à-dire qu’il reflète les hypothèses du cadre financier présenté par le ministère des Finances en novembre 2024. Ces dernières portent jusqu’en 2028-2029 pour les données agrégées et 2026-2027 pour les données plus détaillées en santé et éducation notamment. Pour les années subséquentes, les hypothèses reflètent les tendances structurelles de la démographie et de l’économie québecoise jusqu’en 2044-2045 selon le Conference Board du Canada.

Le point de départ : un déficit important

  • Les finances publiques du Québec font face à un déséquilibre majeur : en 2024-2025 le déficit au sens de la Loi sur l’équilibre budgétaire s’élevait à 11 G$. Le Point sur la situation économique et financière de novembre 2024 proposait déjà un important coup de frein, visant à ralentir la croissance des dépenses.

  • Dans notre scénario de référence, cela se traduirait par une croissance annuelle moyenne des dépenses de portefeuilles de 2,7 % entre 2025-2026 et 2029-2030. Un objectif qui, avec une inflation prévue à 2 %, équivaut presque à un gel en termes réels. En comparaison les dépenses de portefeuilles augmentaient de plus de 5 % annuellement au cours des deux dernières décennies.

  • Malgré l'ampleur de cet effort, il ne suffirait pas à rétablir l'équilibre budgétaire. Plus préoccupant encore, notre modélisation indique qu'après 2030, le vieillissement de la population exercera une pression à la hausse sur les dépenses en santé, qui augmenteraient naturellement de 3,9 % par année entre 2030-2031 et 2044-2045.

  • Au cours des vingt prochaines années, la population des 25-54 ans, principale contributrice aux revenus de l'État, n'augmentera que de 128 000 personnes, alors que celle des 70 ans et plus, plus consommatrice de soins de santé, croîtra de 553 000 personnes.

  • Résultat : malgré une hausse légèrement plus rapide des revenus (3,2 %) par rapport aux dépenses totales (3,1 %) après 2030, ce faible écart ne permettrait pas de corriger le déséquilibre structurel initial. À moins d’entreprendre d’autres mesures pour diminuer les dépenses ou hausser les revenus de manière pérenne.

Encadré 1: Impacts potentiels de la guerre commerciale sur les finances publiques du Québec

L'application de tarifs douaniers réciproques entre le Canada et les États-Unis affectera les finances publiques -hausse des dépenses et baisse des revenus- mais l'ampleur de cet impact reste impossible à évaluer sans en connaître la teneur. L'incertitude porte notamment sur la durée du conflit et le risque d'escalade après les contre-mesures canadiennes. Ces impacts devraient être présentés et communiqués de manière distincte dans les documents budgétaires. Voici quelques canaux de transmission:

tableau 1

Sans interventions additionnelles, le déficit au sens de la Loi sur l’équilibre budgétaire va se creuser…

  • Même en tenant compte du ralentissement des dépenses annoncé dans la mise à jour économique, notre scénario de référence montre que le retour à leur trajectoire structurelle ne permettrait pas d'éliminer le déficit dans les délais prescrits.

  • Le déficit au sens de la Loi, qui inclut ces versements, ne se résorbera pas dans l’horizon de modélisation.

  • Notons que même le déficit comptable, soit avant versements au Fonds des générations, persisterait jusqu'en 2037-2038 (graphique 1).

graphique 1

… et les cibles de dette ne seraient pas respectées

  • Même sans changement majeur pour rétablir l’équilibre budgétaire, notre scénario de référence montre que le poids de la dette continue de diminuer, quoique plus lentement qu’avant.

  • Le rythme de réduction actuel n’est cependant pas suffisant pour atteindre les objectifs imposés par la loi. Selon les cibles légales, le poids de la dette devrait se situer entre 30,5 % et 35,5 % en 2032-2033, alors que nos projections l’établissent à 38,7 %. La situation est semblable pour 2037-2038, alors que nous prévoyons un ratio de 37,2 %, bien au-dessus de la fourchette visée de 27,5 % à 32,5 %.

Encadré 2 : Ce qu’il faut savoir sur les deux lois budgétaires

Pour assurer la soutenabilité des finances publiques et garantir une équité entre les générations en fournissant des services aux citoyens d’aujourd’hui, le Québec a mis en place, il y a près de 30 ans, un cadre législatif unique au Canada.

La Loi sur l’équilibre budgétaire impose que les revenus dépassent la somme des dépenses et des versements au Fonds des générations. Suspendue durant la pandémie, puis rétablie en 2024, elle impose un retour à l’équilibre budgétaire d’ici 2029-2030, avec présentation du plan dans le budget du printemps 2025. Sa plus récente mouture (2023) prévoit une révision potentielle en cas de détérioration significative de l’économie.

La Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations, mise en place initialement en 2006 et révisée en 2023, vise une réduction de la dette nette pour qu’elle se situe entre 31 % et 35,5 % du PIB en 2032-2033  et entre 27,5 % et 32,5 % du PIB en 2037-2038. Les montants accumulés au Fonds des générations (notamment grâce aux redevances d’Hydro-Québec et aux revenus de placement) visent le remboursement de la dette.

Le service de la dette diminuerait, mais moins rapidement qu’avant

  • Le service de la dette en pourcentage des revenus est un indicateur de la marge de manœuvre financière du gouvernement. La situation est aujourd’hui meilleure qu’il y a à peine 10 ans. En 2014-2015, le service de la dette représentait 10,7 % des revenus totaux, contre 6,5 % en 2024-2025, une différence importante.

  • Même avec un déficit persistant, notre scénario de référence prévoit une poursuite de cette tendance favorable de baisse à long terme. En effet, de 6,5 % en 2024-2025, le service de la dette en pourcentage des revenus totaux pourrait avoisiner 5,1 % dans 20 ans (graphique 2).

graphique 2
  • Cette situation s’explique notamment par le fait que la dette a été renouvelée en grande partie lorsque les taux d’intérêt étaient avantageux et qu’au cours des prochaines années, le taux d’intérêt implicite payé sur la dette devrait demeurer stable et peut-être même baisser légèrement.

  • Ensuite, le déficit comptable affiche une baisse durant la période couverte par notre simulation à long terme, ce qui se traduit par une croissance moins marquée de la dette.

  • Cependant, le niveau d’endettement du Québec qui reste parmi les plus élevés au Canada l’expose aux augmentations de taux qui pourraient survenir. Dans un contexte d’incertitude géopolitique, il est important de continuer de surveiller ce risque pour assurer un service de la dette à long terme minimal, et avoir la capacité d’emprunter davantage afin de stimuler l’économie.

À quoi pourrait ressembler un plan pour revenir à l’équilibre en 2029-2030

Retour à l’équilibre en 2029-2030 : concilier contraintes budgétaires et engagements gouvernementaux

  • Nous avons simulé un scénario de retour vers l’équilibre budgétaire d’ici 2029-2030 comme requis par la Loi sur l’équilibre budgétaire, tout en respectant les engagements gouvernementaux. Le gouvernement s’est déjà positionné clairement sur le fait qu’il souhaite assurer un financement stable des missions essentielles de l’État sans augmenter le fardeau fiscal des Québécois.

  • Ce scénario de retour à l’équilibre maintient les cibles de croissance du scénario de référence, soit 2,4 % pour la santé et 1,8 % pour l’éducation jusqu’en 2026-2027 (tel que prévu par le gouvernement). Par la suite, lacroissance des dépenses dans ces deux portefeuilles est alignée sur les tendances démographiques du Conference Board du Canada.

  • Pour réduire les dépenses dans ce contexte, les autres dépenses du gouvernement ne pourraient augmenter que de 0,5 % par an de 2025-2026 à 2029-2030. Dans le scénario de référence, elles augmentaient plutôt de 2,1 % par année.

  • Les réductions de croissance des dépenses modélisées permettraient d'économiser 3,9 G$ de dépenses en 2029-2030, un montant qui, bien que substantiel, serait insuffisant pour retrouver l’équilibre budgétaire.

  • De plus, de telles compressions des dépenses apparaissent non seulement très difficilement réalisables dans les faits, mais risqueraient également d'affecter sérieusement la capacité de l'État à remplir ses missions, ce qui n'est pas souhaitable. D’où l’importance de devoir également augmenter les revenus.

Restreindre les dépenses ne suffira pas : il faudra également augmenter les revenus

  • Les projections économiques du Conference Board du Canada sur lesquelles reposent ces simulations ne permettent pas de miser sur une forte croissance économique pour rehausser les revenus de l'État. L'augmentation nécessaire des revenus devra donc reposer sur d'autres leviers.

  • Notre scénario maintient les taux d'imposition actuels, tant pour les particuliers que pour les sociétés. Cette orientation reflète à la fois la récente réduction d'impôt accordée par le gouvernement actuel aux particuliers et la nécessité de préserver la compétitivité fiscale des entreprises face aux menaces tarifaires américaines.

  • Il maintient également le niveau des transferts fédéraux, encadrés par des ententes existantes et offrant peu de possibilités d'augmentation à court terme.

  • Enfin, il ne prévoit pas de hausse supplémentaire des revenus des sociétés d'État (Hydro-Québec, Loto-Québec, SAQ) au-delà des prévisions du gouvernement dans le Point sur la situation économique et financière de novembre 2024.

  • Pour compenser le manque à gagner, notre scénario explore principalement les hausses de revenus provenant de la taxe de vente du Québec (TVQ) et des autres prélèvements fiscaux (cotisations santé, impôt foncier scolaire, taxes sur le tabac et l'essence), une des options les plus réalistes dans le contexte actuel.

  • En ce qui concerne les revenus des taxes à la consommation, le modèle projette une croissance annuelle moyenne de 4,7 % entre 2025-2026 et 2029-2030, contre 3,4 % dans le scénario de référence. Cette augmentation générerait des revenus supplémentaires de 1,6 G$ en 2029-2030, soit l'équivalent d'une hausse de la TVQ d’environ 0,5 point de pourcentage.

  • En parallèle, les autres revenus fiscaux progresseraient de 3,6 % par an selon le modèle, contre 3,3 % dans le scénario de référence entre 2025-2026 et 2029-2030.

  • Dans ce scénario théorique, ces ajustements combinés généreraient 2,5 G$ de revenus supplémentaires en 2029-2030.

Un retour à l’équilibre, mais à quel prix?

  • Le modèle suggère que l’équilibre budgétaire pourrait être atteint avant la date prévue, c’est-à-dire en 2028-2029, et qu’il produirait même un excédent de 0,6 G$ en 2029-2030, au sens de la Loi, plutôt qu’un déficit (graphique 3). Cette marge s’explique par la difficulté de calibrer précisément les variables pour atteindre l’équilibre exact à une date donnée.

  • À plus long terme, notre modèle projette que le solde budgétaire au sens de la Loi continuerait de s’améliorer après 2029-2030, contrairement au scénario de référence (graphique 4). Cette évolution théorique découle d’une croissance des revenus légèrement supérieure à celle des dépenses. En partant d’une situation excédentaire en 2029-2030, cet écart de croissance générerait mécaniquement des surplus budgétaires qui s’amplifieraient d’année en année.

  • Il est important de noter que cette projection mathématique ne reflète pas nécessairement la réalité à long terme, puisque des chocs économiques et des défis imprévus pourraient naturellement venir perturber une telle trajectoire de surplus continuellement croissants

  • Il faut aussi dire que le scénario d'équilibre proposé dans ce rapport n'est pas sans risques. La limitation à 0,5% de la croissance des dépenses hors santé et éducation représente un défi considérable qui pourrait affecter la qualité des services publics et exiger des arbitrages difficiles dans les autres portefeuilles de l’État québécois. De même, l'augmentation accélérée des revenus de taxes à la consommation pourrait alourdir le fardeau des ménages à revenus modestes si elle n'est pas compensée par des mesures ciblées. Ces contraintes pourraient également limiter la capacité du gouvernement à répondre à des crises imprévues.

graphique 3
graphique 4

Les cibles de réduction de la dette atteintes

  • Dans le scénario d’équilibre, la réduction du recours à l’endettement permettrait à la dette nette de respecter les cibles légales. Le ratio dette/PIB atteindrait 40,6 % en 2025-2026, puis poursuivrait sa descente graduelle, pour atteindre 28,6 % en 2037-2038 (graphique 5).

  • Cette trajectoire créerait à son tour un effet positif sur le solde budgétaire : avec une dette moins élevée, le service de la dette serait significativement réduit, représentant environ la moitié du montant projeté dans le scénario de référence. Cette réduction s’explique mécaniquement par un poids de la dette plus faible, les taux d’intérêt restant constants dans les deux scénarios.

graphique 5

Annexe

Annexe 1
Scénario de référence
Annexe 2
Scénario d'équilibre
Annexe 3
Différence entre les deux scénarios
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Conclusion

Le retour à l'équilibre budgétaire exigeait déjà des choix particulièrement difficiles avant même la guerre tarifaire avec les États-Unis. Nos simulations montrent que même un ralentissement des dépenses plus marqué que celui annoncé dans la mise à jour économique et financière de l’automne 2024 ne suffira pas. En fait, il faudra également augmenter les revenus, notamment au moyen d’une hausse de taxes.

Face au contexte économique difficile, la loi prévoit désormais la possibilité d'ajuster le calendrier de retour à l'équilibre budgétaire, permettant ainsi à l'État de maintenir son rôle protecteur en période de ralentissement. Cependant, au-delà des turbulences économiques actuelles, le défi fondamental demeure : le vieillissement démographique continuera d'exercer une pression croissante sur les finances publiques.

Cette discipline budgétaire ne vise pas à affaiblir l’État, bien au contraire. La pandémie nous a démontré la valeur d’un État robuste, tandis que les progrès récents du Québec – que ce soit en matière de bien-être de la population ou d’éducation – confirment qu’un solide filet social et des services publics de qualité sont des investissements qui rapportent. Ne l’oublions pas.

Si l'assainissement budgétaire reste incontournable, son succès reposera largement sur la capacité des acteurs de première ligne - employés, syndicats, gestionnaires publics et partenaires privés - à développer des solutions innovantes pour accroître l'efficacité des services gouvernementaux.

La bonne nouvelle, c’est que, même dans un scénario sans retour à l’équilibre budgétaire, la maîtrise actuelle de la dette et du service de la dette permet au Québec de maintenir ses investissements stratégiques, notamment dans la modernisation des infrastructures. Or, ces investissements sont essentiels pour notre prospérité future et notre capacité à relever les défis sociaux et environnementaux qui nous attendent.

En définitive, l’équilibre budgétaire n’est pas une fin en soi, mais un moyen de garantir notre capacité d’action collective sur le long terme.