Main d'oeuvre
RAPPORT
41 min

Bilan 2024 de lemploi au Québec

Du plein emploi au chômage : décryptage des tendances

Rapport
Communiqué de presse
12 février 2025

En bref

Une économie entre croissance et incertitude

  • L'économie québécoise a renoué avec la croissance en 2024. La stratégie de lutte contre l'inflation a réussi à freiner la hausse des prix sans provoquer de récession majeure.

  • L'afflux d'immigrants temporaires (travailleurs, étudiants, demandeurs d'asile) et la bonne performance des exportations ont soutenu l'activité économique. Cependant, la croissance démographique a entraîné une diminution du PIB par habitant, qui a baissé de 2,8 % par rapport à son sommet atteint en 2022.

  • Malgré des indicateurs économiques positifs, les entrepreneurs sont restés prudents. Cette méfiance, alimentée par les séquelles de l'inflation et l’appréhension des tensions commerciales avec les États-Unis, a ainsi freiné les décisions d'investissement mais aussi les ambitions de recrutement.

Les difficultés de recrutement s’estompent

  • Les employeurs ont surtout freiné les embauches plutôt que de procéder à des licenciements massifs l’an dernier. En effet, le taux d'obtention d'emploi (proportion des chômeurs se trouvant un emploi chaque mois) est passé de 39 % à 33 % entre décembre 2023 et décembre 2024, alors que le taux de cessation d'emploi (départs vers le chômage) est resté stable à 1,9 % entre décembre 2023 et 2024.

  • Pour certains employeurs, les défis de recrutement se sont atténués : le nombre de postes vacants a atteint son plus bas niveau depuis 2018 (119 175), tandis que le taux de chômage est passé de 4,7 % à 5,6 %, ce qui représente 47 700 chômeurs de plus.

Création d’emplois : un rythme insuffisant face à l’afflux de travailleurs

  • En 2024, la création nette d'emplois (+71 900), la plus faible depuis la pandémie, a été largement dépassée par la croissance de la population des 15 ans et plus (+195 300). Une situation engendrée par une hausse exceptionnelle de l'immigration temporaire.

  • Le taux de chômage chez les jeunes (15-24 ans) a atteint un sommet de 12,1 % en juillet 2024 avant de redescendre à 8,9 % en décembre, en raison notamment d’une hausse de la concurrence pour accéder aux postes d’entrée.

  • Les immigrants temporaires affichent un taux de chômage (11,7 %) près de trois fois plus élevé que les natifs (4,1 %), tandis que les immigrants permanents, mieux intégrés, enregistrent un taux plus modéré (8,0 %).

De nouveaux emplois de qualité

  • Malgré une création d’emplois modeste en 2024, les nouveaux postes étaient globalement de meilleure qualité. Il s’agissait entièrement de postes à temps plein (+ 114 900 entre décembre 2023 et décembre 2024).

  • La création d’emplois s’est concentrée dans les secteurs bien rémunérés, c’est-à-dire dans les industries offrant un salaire horaire supérieur à la moyenne québécoise, comme les secteurs de la finance et assurance (+ 19 400), de l’enseignement (+14 900), des services professionnels, scientifiques et techniques (+6 500) et de la construction (+5 500).

  • Ceci explique en partie la croissance des salaires qui est demeurée forte en 2024 (3,9 %) et qui a largement dépassé le taux d’inflation (1,6 %). Un ralentissement est toutefois prévu pour 2025.

Regard vers l’avenir : les pénuries pourraient ressurgir

  • Le pic des départs à la retraite des baby-boomers est passé après avoir atteint une moyenne de 60 000 départs annuels pendant une décennie. Toutefois, les quelque 1,2 million de Québécois en âge de prendre leur retraite (60 à 69 ans) resteront plus nombreux que les jeunes travailleurs (20 à 29 ans), et ce jusqu’en 2031.

  • Le resserrement de l’immigration réduira l’accès à des travailleurs venus d’ailleurs. À titre d’exemple, la cible de réduction de l'immigration temporaire fixée par le gouvernement fédéral à 5 % de la population exigerait que le Québec diminue de deux tiers l’émission de son nombre de permis, réduisant significativement le bassin de travailleurs disponibles.

  • Les besoins en recrutement dans le secteur public resteront élevés, en particulier dans la santé, alors que la population des 70 ans et plus augmentera considérablement dans les années à venir. Cependant, les embauches actuelles dans ce secteur ne parviennent pas à suivre le rythme du vieillissement : le nombre de travailleurs de la santé par 1 000 personnes de 70 ans est passé de 296 en 2019 à 282 en 2024.

  • Les pénuries de main-d'œuvre pourraient perdurer en région. En 2024, on comptait 2,7 en moyenne dans les régions administratives du Grand Montréal contre 1,6 dans le reste du Québec. Cette disparité risque de persister, le vieillissement de la population y étant plus marqué et les nouvelles restrictions sur l’immigration affectant davantage les régions. De plus, les Québécois changent peu de région pour saisir les opportunités d’emploi, comme en témoigne le plus faible niveau de migrations interrégionales enregistré en 2022-2023 depuis deux décennies.

Cinq enjeux majeurs façonneront le marché du travail québécois en 2025

  1. La menace de nouveaux tarifs douaniers américains pourrait peser lourdement sur l’économie québécoise, notamment dans le secteur manufacturier. Même sans leur mise en place, l’incertitude qui entoure ces tarifs freine déjà les intentions d’investissement et de recrutement des employeurs. Si ces tarifs venaient à être instaurés, leur durée et leur ampleur détermineront l’impact final, qui pourrait dépasser une simple hausse du chômage pour inclure des réductions d’heures de travail, des baisses de revenus ou des départs du marché du travail.

  2. Les nouvelles restrictions en matière d'immigration soulèvent des questions quant à leur impact sur les secteurs en pénurie de main-d'œuvre. Une réduction simultanée du bassin de travailleurs disponibles et de la demande en main-d'œuvre pourrait atténuer l’effet des tarifs sur le chômage.

  3. L'activité devrait rester soutenue dans l’industrie de la construction, notamment grâce aux grands projets à venir, comme ceux d’Hydro-Québec et le Plan québécois des infrastructures. Cela serait d’autant plus vrai si la construction était utilisée comme un levier de relance et de soutien à l’économie.

  4. La réforme du système de santé, dans un contexte de besoins croissants en personnel, représente un enjeu majeur. Ses effets sur l’organisation du travail et la rétention des employés devront être surveillés de près.

  5. L’objectif du gouvernement du Québec de ralentir la croissance des dépenses pour atteindre l’équilibre budgétaire d’ici cinq ans pourrait ralentir la réalisation de grands projets et limiter le recrutement dans le secteur public.

À propos

À propos de l’Institut du Québec

L’Institut du Québec est un organisme à but non lucratif qui axe ses recherches et ses études sur les enjeux socioéconomiques auxquels le Québec fait face. Il vise à fournir aux autorités publiques et au secteur privé les outils nécessaires pour prendre des décisions éclairées, et ainsi contribuer à bâtir une société plus dynamique, compétitive et prospère.

Ce rapport a été préparé par Emna Braham, Simon Savard, Anthony Migneault, Alain Dubuc, Jean-Baptiste Vallantin-Dulac et Souleima El Achkar.

Tout au long de l’année, l’Institut du Québec (IDQ) met en perspective les dernières données sur le marché de l’emploi avec les enjeux d’actualité.

Notes de l’emploi

Chaque premier vendredi du mois, après la publication de l’Enquête sur la population active par Statistique Canada, l’IDQ publie une synthèse des faits saillants pour le Québec. Cette analyse met en lumière des indicateurs clés reflétant à la fois la vigueur du marché du travail et la qualité des emplois, en abordant notamment la création d’emplois, l’évolution de la population active, ainsi que les conditions d’emploi et la rémunération.

Regard sur les postes vacants

Chaque trimestre, nous analysons les données clés pour le Québec concernant les postes que les employeurs cherchent à combler, en nous appuyant sur l’Enquête sur les postes vacants et les salaires de Statistique Canada.

La fin des pénuries de main-d'oeuvre?

Entre 2018 et 2022, le Québec s’est trouvé dans une situation inédite : les postes vacants ne trouvant pas preneurs se sont multipliés, le nombre de travailleurs disponibles a chuté, et les employeurs se sont inquiétés, faute de main-d’œuvre, de ne pouvoir lancer de nouveaux projets. On pouvait alors qualifier de pénurie ces difficultés de recrutement généralisées. Si ce resserrement du marché de l’emploi a occasionné des difficultés aux employeurs quant à la disponibilité et au coût de la main-d’œuvre, elle a eu des effets mitigés chez les travailleurs : occasions d’avancement et hausses salariales, mais aussi surcharge de travail et projets avortés.

Cette pénurie découlait tant de transformations profondes – démographie vieillissante et économie peu productive, gourmande en main-d’œuvre – que de bouleversements pandémiques ayant provoqué un choc, puis un rebond économique et des changements de trajectoires professionnelles.

Dans notre Bilan 2023, nous soulignions déjà une diminution des difficultés de recrutement et, par conséquent, le fait que certains travailleurs voyaient leur pouvoir de négociation s’affaiblir. En 2024, alors que le nombre de postes vacants poursuit son déclin et que le taux de chômage augmente, une question s’impose : l’ère des pénuries de main-d’œuvre tirerait-elle à sa fin ? Si cette tendance réjouit les employeurs qui peinaient à recruter, elle pourrait toutefois inquiéter certains travailleurs.

Or, les forces qui ont engendré les pénuries de main d’œuvre sont encore bien présentes. Une analyse plus détaillée laisse entrevoir une situation bien plus nuancée que ne suggèrent les statistiques.

Une économie entre croissance et incertitude

Ce qu'il faut retenir

  • L'économie québécoise a renoué avec la croissance en 2024. La stratégie de lutte contre l'inflation a réussi à freiner la hausse des prix sans provoquer de récession majeure.

  • L'afflux d'immigrants temporaires (travailleurs, étudiants, demandeurs d'asile) et la bonne performance des exportations ont soutenu l'activité économique. Cependant, cette hausse démographique a poussé à la baisse le PIB par habitant depuis 2022, marquant un recul de 2,8 %.

  • Malgré des indicateurs économiques positifs, les entrepreneurs sont restés prudents. Cette méfiance, alimentée par les séquelles de l'inflation et les tensions commerciales avec les États-Unis, ont ainsi freiné les décisions d'investissement et d'embauche.

Une croissance économique dans un contexte trouble

  • Alors que la lutte à l’inflation et la hausse des taux d’intérêt faisaient craindre un ralentissement économique, le Québec n’a connu en 2023 qu’une courte contraction de son économie avant de reprendre la voie de la croissance en 2024 (graphique 1). Le PIB réel aura finalement cru les trois premiers trimestres de 2024. Le scénario espéré par de nombreux économistes – soit que la hausse du taux directeur soit juste assez suffisante pour ralentir l’inflation sans plonger l’économie en profonde récession – semble ainsi s’être réalisé.

  • Cette performance découle notamment d’un bond démographique : la hausse du nombre d’immigrants temporaires en 2024 – travailleurs, étudiants et demandeurs d’asile – a permis d’accroître la taille de la population québécoise, et donc de son économie. Mais cette forte hausse masque une performance en demi-teinte.

  • En effet, lorsqu’on examine le PIB par habitant – un bon indicateur de la capacité de l’économie québécoise à créer de la richesse – la situation est moins reluisante. Le PIB par habitant a reculé de 2,8 % depuis son sommet de 2022 (graphique 2).

Graphique 1
Graphique 2

Un climat des affaires plus sombre que ce que montrent les données

  • Les décisions de recrutement sont fortement influencées par les anticipations de croissance des entreprises. À ce chapitre, les employeurs québécois se sont montrés, en 2024, plus pessimistes que ne le justifiait la réalité économique. Ainsi, le baromètre des affaires de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, qui mesure la confiance des propriétaires de PME envers leurs perspectives économiques sur 12 mois, montre que, malgré une amélioration survenue à partir de la deuxième moitié de 2024, le niveau de confiance des PME demeure en dessous des niveaux observés au cours des années précédant la pandémie (graphique 3).

  • En effet, l’inflation continue de marquer les esprits. Le choc psychologique de la hausse des prix persiste, et les entrepreneurs comme les consommateurs mettent du temps à s’habituer à ces nouveaux niveaux. À cela s’ajoute le risque d’une guerre commerciale avec les États-Unis. Ces inquiétudes jouent indéniablement sur la perception économique.

  • Ce découplage entre la perception des entrepreneurs – mais aussi celle des citoyens –, et la performance réelle de l’économie a intrigué bon nombre d’observateurs au cours de la dernière année. Même si cette perception négative ne dicte pas entièrement les choix des entrepreneurs, elle peut créer un certain attentisme ou une prudence dans les investissements, les décisions d’expansions et de recrutement.

Graphique 3

Encadré 1: Mise en place de tarifs douaniers : quels effets sur le marché du travail québécois?

La menace de tarifs douaniers américains sur les produits canadiens, qu’ils soient mis en place ou non, façonnera la perception, les décisions d'affaires et la performance économique du Québec en 2025. La figure 1 illustre les impacts potentiels de l'imposition de tarifs sur le marché de l'emploi. Si les États-Unis imposaient de tels tarifs, le Canada pourrait réagir en adoptant des mesures similaires, déclenchant une série de répercussions économiques. Ces mesures tarifaires affecteraient directement la compétitivité des entreprises des deux côtés de la frontière, perturbant les flux commerciaux et augmentant les coûts pour les consommateurs et les entreprises.

L’intensité et la durée de ces mesures pourraient entraîner une diminution de la demande en main-d'œuvre, réduisant ainsi les opportunités d’emploi. Les quelques 95 000 emplois manufacturiers fortement liés aux exportations américaines – aluminium, aérospatial, métallurgie – seraient les premiers affectés. Les régions de la Côte-Nord et du Saguenay–Lac-Saint-Jean sont particulièrement vulnérables : jusqu'à 6 % de leurs emplois sont directement liés aux exportations vers les États-Unis. Une riposte canadienne élargirait l'impact, affectant importateurs comme exportateurs. Par ricochet, d'autres secteurs pourraient être aussi touchés si le ralentissement se généralisait à l’ensemble de l’économie.

Un tel recul économique peut se manifester de diverses manières sur le marché du travail, au-delà d'une simple hausse du chômage. Les entreprises pourraient d'abord réduire les heures travaillées de leurs employés, geler les embauches ou encore consentir de plus faibles hausses salariales. Cette dynamique pourrait aussi pousser certains travailleurs à se retirer temporairement du marché du travail.

L'impact final sur le marché de l'emploi dépendra également de facteurs indépendants des tarifs, notamment la gestion des flux d'immigration par les gouvernements québécois et canadiens. Une réduction simultanée du bassin de travailleurs et de la demande en main-d'œuvre pourrait ainsi atténuer les effets sur le taux de chômage.

Tableau 1 - Description des impacts économiques de la mise en place de barrières tarifaires

Les difficultés de recrutement s’estompent

Ce qu'il faut retenir

  • Les employeurs ont surtout freiné les embauches plutôt que de procéder à des licenciements massifs l’an dernier. En effet, le taux d'obtention d'emploi (proportion des chômeurs se trouvant un emploi chaque mois) est passé de 39 % à 33 % entre décembre 2023 et décembre 2024, alors que le taux de cessation d'emploi (départs vers le chômage) est resté stable à 1,9 % entre décembre 2023 et 2024.

  • Pour certains employeurs, les défis de recrutement se sont atténués : le nombre de postes vacants a atteint son plus bas niveau depuis 2018 (119 175), tandis que le taux de chômage est passé de 4,7 % à 5,6 %, ce qui représente 47 700 chômeurs de plus.

Pas de mises à pied, mais peu d’embauches

  • La prudence des employeurs les a amenés à ralentir leur rythme d’embauche, comme le révèle le taux d’obtention d’emploi – soit la proportion des personnes au chômage qui décrochent un emploi chaque mois – (voir graphique 4), qui est passé de 39 % en décembre 2023 à 33 % en décembre2024. Il est ainsi plus difficile pour un chômeur d’intégrer le marché du travail.

  • Le taux de cessation d’emploi – qui mesure le flux de personnes perdant leur emploi et se retrouvant au chômage – est, quant à lui, resté stable à 1,9 % entre décembre 2023 et décembre 2024 (graphique 5). Cette dynamique révèle que même si l’appétit des employeurs pour afficher des postes et recruter de nouveaux talents s’est tari, ils sont très peu nombreux à vouloir se départir d’employés qu’ils ont peinés à recruter.

  • Cette rétention s'explique par deux facteurs : d’une part, les employeurs anticipaient une reprise économique rapide avec la baisse des taux d’intérêt et voulaient s’éviter des difficultés de recrutement. D’autre part, les départs à la retraite, plus nombreux que les candidats disponibles, permettaient une réduction naturelle des effectifs sans licenciements.

graphique 4
graphique 5

Moins de postes vacants, plus de chômeurs au Québec

  • La rareté des candidats disponibles pour combler les postes laissés vacants s’est estompée au cours des deux dernières années. Ainsi, le nombre de postes vacants au Québec est passé de 138 705 à 119 175 entre décembre 2023 et novembre 2024 (dernière donnée disponible, graphique 6), les ramenant à leur plus bas niveau observé depuis 2018.

  • Parallèlement, le nombre de chômeurs s’est quant à lui accru de 47 700 entre décembre 2023 et décembre 2024, faisant passer le taux de chômage québécois de 4,7 % à 5,6 %.

  • Ainsi, le ratio du nombre de chômeurs par poste vacant a augmenté. Cet indicateur mesure le déséquilibre entre l’offre et la demande sur le marché du travail : un ratio élevé indique qu’il y a plus de personnes qui souhaitent travailler que d’occasions d’emploi. À l’inverse, un ratio faible suggère que beaucoup de candidats sont recherchés et peu disponibles, rendant le recrutement plus complexe pour les entreprises.

  • En 2022, on a observé un nombre de chômeurs par poste vacant le plus faible depuis que ces données sont collectées, avec un ratio de 0,8 (graphique 7). À l’époque, les besoins en travailleurs étaient si grands que tous les chômeurs du Québec n’auraient pas suffi à les combler. Les pénuries se sont toutefois largement estompées depuis avec un ratio de 2,3 chômeurs pour chaque poste vacant en novembre 2024.

  • Comme le ratio entre le nombre de chômeurs et le nombre de postes vacants était très faible au début du ralentissement économique de 2023, nous avons d’abord vu une baisse des postes vacants, les employeurs ayant supprimé des offres d’emploi non comblées. Au cours de la prochaine année, une détérioration du marché du travail se traduirait plutôt par une hausse du chômage (encadré 2).

graphique 6
graphique 7

Encadré 2: Si l’économie ralentit en 2025, le taux de chômage augmentera…

  • La courbe de Beveridge illustre la relation entre le taux de postes vacants, qui reflète l'intensité de la recherche de travailleurs par les entreprises, et le taux de chômage, qui représente le nombre de personnes à la recherche d'un emploi.

  • Cette relation n'est pas linéaire et évolue selon les cycles économiques : lorsque le nombre de postes vacants est élevé, comme en 2022, les données se situent en haut de la courbe (graphique 8). En pareille circonstance, le taux de chômage est si bas qu’une accélération de la croissance économique parvient difficilement à le réduire davantage – il s’agit d’un chômage incompressible ou « naturel », lié à des périodes inévitables d’inactivité entre deux emplois - créant plutôt une hausse des postes vacants et une possible inflation salariale, soit une situation de pénurie caractéristique d'un marché du travail extrêmement tendu.

  • Le ralentissement économique s’est d’abord manifesté par une forte baisse du nombre de postes vacants avec très peu d'effets sur le taux de chômage en 2022, suivie par une hausse plus marquée du taux de chômage en 2023 et 2024.

  • Étant donné notre position actuelle sur la courbe de Beveridge, un ralentissement économique marqué se traduirait davantage par une hausse du chômage que par une baisse des postes vacants.

graphique 8

Création d’emplois : un rythme insuffisant face à l’afflux de travailleurs

Ce qu'il faut retenir

  • En 2024, la création nette d'emplois (+71 900), la plus faible depuis la pandémie, a été largement dépassée par la croissance de la population des 15 ans et plus (+195 300). Une situation engendrée par une hausse exceptionnelle de l'immigration temporaire.

  • Le taux de chômage chez les jeunes (15-24 ans) a atteint un sommet de 12,1 % en juillet 2024 avant de redescendre à 8,9 % en décembre, en raison notamment d’une hausse de la concurrence pour accéder aux postes d’entrée.

  • Les immigrants temporaires affichent un taux de chômage (11,7 %) près de trois fois plus élevé que les natifs (4,1 %), tandis que les immigrants permanents, mieux intégrés, enregistrent un taux plus modéré (8,0 %).

La plus faible création d’emploi depuis la pandémie

  • Le ralentissement des embauches par les entreprises a conduit à la plus faible création nette d’emplois depuis la pandémie, avec seulement 71 900 nouveaux postes (graphique 9).

  • Parallèlement, la population québécoise de 15 ans et plus a très fortement augmenté au cours des dernières années, avec une hausse exceptionnelle de 195 000 personnes entre décembre 2023 et décembre 2024 (graphique 10).

  • Cet afflux de personnes combiné à une faible création d’emplois a fait bondir le nombre de chômeurs (+47 700), mais aussi de personnes inactives. Ainsi, entre décembre 2023 et décembre 2024, le Québec comptait 75 700 nouvelles personnes de 15 ans et plus n’étant ni à l’emploi ni à la recherche d’un emploi.

graphique 9
graphique 10

Encadré 3: Quel indicateur est le plus adéquat pour mesurer la création d’emploi ?

  • L'emploi a progressé de 71 900 postes entre décembre 2023 et 2024, tandis que la création moyenne annuelle indique 43 000 nouveaux emplois. Ces deux mesures confirment que 2024 marque le plus faible rythme de création d'emplois des dernières années.

  • Les deux méthodes peuvent être utilisées pour analyser la variation d’emploi mais les données mensuelles permettent de mieux identifier les phénomènes récents tandis que les moyennes annuelles servent surtout à dresser des constats à plus long terme. De plus, utiliser les données de décembre permet de mieux capter les gains d’emplois réalisés au Québec en fin d’année. Dans le cadre de ce bilan, nous utilisons donc principalement la comparaison mensuelle de décembre 2023 à décembre 2024 (graphique 11).

graphique 11

Des immigrants temporaires qui ont fait croître le bassin de travailleurs

  • Cette hausse exceptionnelle de la population s’explique par la croissance de l’immigration temporaire qui s’est poursuivie en 2024. Au total, ce sont 87 000 personnes qui sont arrivées sur le territoire en 2024. Cette immigration temporaire représente une part importante de la hausse de la population active (graphique 12).

  • Malgré les nombreuses annonces, et ce, dès janvier 2024, visant à ralentir le flux d’étudiants, de travailleurs et de demandeurs d’asile, le nombre de permis émis a suivi une trajectoire similaire à celle de 2023 (graphique 13).

  • En 2024, plus de 210 000 permis d’études ainsi que du programme de travailleurs étrangers temporaires (PTET) et du programme de mobilité internationale (PMI) ont été délivrés. Comme il existe un certain décalage entre la date d’attribution d’un permis à un immigrant temporaire et son arrivée effective au pays, le nombre de nouveaux arrivants pourrait continuer à augmenter dans les prochains mois.

  • Il faut rappeler que l’immigration temporaire ne regroupe pas seulement des travailleurs, mais également un grand nombre d’étudiants, ainsi que des demandeurs d’asile qui ne viennent pas spécifiquement pour travailler et qui peuvent rencontrer certaines difficultés à s’intégrer au marché du travail. Ceci explique pourquoi 8 600 nouveaux immigrants temporaires font partie des chômeurs et 20 500 nouveaux immigrants temporaires font partie de la population inactive. Il n’en reste pas moins que près du trois quarts de ces nouveaux arrivants font partie des personnes en emploi.

graphique 12
graphique 13

Les jeunes et les immigrants davantage touchés

  • Les jeunes adultes (15-24 ans) et les immigrants, souvent à la recherche d'un premier emploi au Québec, affichent généralement un taux de chômage supérieur à la moyenne. Cet écart s'est considérablement accru en 2023 et s'est maintenu en 2024.

  • Le taux de chômage chez les jeunes est passé de 8,1 % en décembre 2023 à un sommet de 12,1 % en juillet avant de redescendre à 8,9 % en décembre 2024 (graphique 14). Ceci s’explique notamment par une hausse de la concurrence pour accéder au marché du travail et, plus particulièrement, aux postes d’entrée.

  • Les immigrants temporaires affichent un taux de chômage (11,7 %) près de trois fois plus élevé que les natifs (4,1 %). Même les immigrants permanents, souvent mieux intégrés, connaissent un taux de chômage supérieur (8,0 %), bien que dans une moindre mesure (graphique 15).

  • Les immigrants et les jeunes peuvent être pénalisés par leur manque d'expérience locale et de réseau professionnel. Pour les immigrants temporaires, notamment les demandeurs d'asile, les obstacles linguistiques et culturels complexifient davantage leur insertion professionnelle.

graphique 14
graphique 15

Encadré 4: Au Québec, moins d’emplois créés, mais aussi moins de chômage

  • La création d’emplois au Québec (+1,6 %) a été légèrement inférieure à celle du Canada (+1,9 %) et de l’Ontario (+2,1 %, graphique 17). À première vue, cela pourrait donner l’impression que le marché du travail québécois est moins performant. Cependant, le taux de chômage y a moins augmenté qu’en Ontario et demeure nettement plus faible (graphique 16).

  • Cette différence s’explique surtout par le fait que la croissance démographique des 15 ans et plus a été beaucoup plus importante en Ontario (+3,5 %) qu’au Québec (+2,7 %). En Ontario, l’écart entre la croissance de l’emploi et celle de la population a été plus marqué qu’au Québec, ce qui a accentué le déséquilibre entre l’offre et la demande sur le marché du travail.

  • Le Québec se distingue particulièrement lorsqu’on observe le principal groupe d’âge actif sur le marché du travail, soit les 25 à 54 ans. Dans cette tranche d’âge, le taux d’emploi, qui est un bon indicateur de la vigueur du marché du travail, a diminué dans la plupart des provinces canadiennes, mais n’a presque pas varié au Québec. À 86,2 %, il demeure le plus élevé du Canada.

graphique 16
graphique 17

De nouveaux emplois de qualité

Ce qu'il faut retenir

  • Malgré une création d’emplois modeste en 2024, les nouveaux postes étaient globalement de meilleure qualité. Il s’agissait entièrement de postes à temps plein (+ 114 900 entre décembre 2023 et décembre 2024).

  • La création d’emplois s’est concentrée dans les secteurs bien rémunérés, c’est-à-dire dans les industries offrant un salaire horaire supérieur à la moyenne québécoise, comme les secteurs de la finance et assurance (+ 19 400), de l’enseignement (+14 900), des services professionnels, scientifiques et techniques (+6 500) et de la construction (+5 500).

  • Ceci explique en partie la croissance des salaires qui est demeurée forte en 2024 (3,9 %) et qui a largement dépassé le taux d’inflation (1,6 %). Un ralentissement est toutefois prévu pour 2025.

Plus d’emplois à temps plein

  • Malgré une création nette d’emplois, somme toute assez faible en 2024, les nouveaux postes étaient globalement de meilleure qualité. Pour mesurer la qualité de l'emploi, l’IDQ examine notamment la part de l’emploi à temps plein et la part de l’emploi dans les secteurs bien rémunérés.

  • Entre décembre 2023 et décembre 2024, le Québec a créé 114 900 emplois à temps plein, en grande partie dans les soins de santé (ce qui inclut les services de garderie). Cette croissance de l’emploi à temps plein (+3,1 % sur une base annuelle, décembre à décembre) est l’une des plus importantes des dernières années, à l’exception de la période de reprise pandémique. En comparaison, l’Ontario affiche une augmentation de seulement 1,0 % et l’ensemble du Canada de 1,8 %.

  • L’emploi à temps partiel a, pour sa part, reculé (-43 000) au cours de cette période au Québec.

Et bien rémunérés

  • En 2024, le Québec compte également 33 700 nouveaux emplois bien rémunérés de plus : c’est-à-dire des emplois dans les secteurs offrant un salaire horaire supérieur à la moyenne québécoise.

  • Cette évolution s’explique surtout par la création nette d’emplois dans les secteurs de la finance et assurance (+19 400), de l’enseignement (+14 900), des services professionnels et techniques (+6 500) et de la construction (+5 500) (graphique 18).

  • Entre décembre 2023 et décembre 2024, la part des travailleurs qui occupent un emploi dans un secteur bien rémunéré n’a toutefois pas changé, pour demeurer à 37 % (graphique 19).

graphique 18
graphique 19

La croissance des salaires demeure forte… pour l’instant

  • Par ailleurs, la croissance des salaires est demeurée forte en 2024 et a même largement dépassé le taux d’inflation (graphique 20). Ainsi, en décembre 2024, la croissance des salaires s’élevait à 3,9 % alors que l’inflation atteignait 1,6 %.

  • Il est clair que dans certains secteurs les entreprises se concurrencent encore pour attirer des talents et offrent des salaires plus élevés pour retenir leurs employés. D’ailleurs, la croissance annuelle des salaires offerts pour des postes encore vacants s’est maintenue à des niveaux historiquement élevés en 2024 (graphique 21).

  • En 2025, plusieurs analyses, dont celles de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, prévoient un ralentissement de la croissance des salaires, avec des augmentations évaluées à 3,3 % par les employeurs québécois. Ce ralentissement pourrait s’accentuer si l’économie subit un coup de frein supplémentaire, notamment en raison de l’éventuelle mise en place de nouveaux tarifs.

graphique 20
graphique 21

Regard vers l'avenir : les pénuries pourraient ressurgir

Ce qu'il faut retenir

  • Le pic des départs à la retraite des baby-boomers est passé après avoir atteint une moyenne de 60 000 départs annuels pendant une décennie. Toutefois, les quelque 1,2 million de Québécois en âge de prendre leur retraite (60 à 69 ans) resteront plus nombreux que les jeunes travailleurs (20 à 29 ans), et ce jusqu’en 2031.

  • Le resserrement de l’immigration réduira l’accès à des travailleurs venus d’ailleurs. À titre d’exemple, la cible de réduction de l'immigration temporaire fixée par le gouvernement fédéral à 5 % de la population exigerait que le Québec diminue de deux tiers l’émission de son nombre de permis, réduisant significativement le bassin de travailleurs disponibles.

  • Les besoins en recrutement dans le secteur public resteront élevés, en particulier dans la santé, alors que la population des 70 ans et plus augmentera considérablement dans les années à venir. Cependant, les embauches actuelles dans ce secteur ne parviennent pas à suivre le rythme du vieillissement : le nombre de travailleurs de la santé par 1 000 personnes de 70 ans est passé de 296 en 2019 à 282 en 2024.

  • Les pénuries de main-d'œuvre pourraient perdurer en région. En 2024, on comptait 2,7 en moyenne dans les régions administratives du Grand Montréal contre 1,6 dans le reste du Québec. Cette disparité risque de persister, le vieillissement de la population y étant plus marqué et les nouvelles restrictions sur l’immigration affectant davantage les régions. De plus, les Québécois changent peu de région pour saisir les opportunités d’emploi, comme en témoigne le plus faible niveau de migrations interrégionales enregistré en 2022-2023 depuis deux décennies.

Le vieillissement de la population continue d’effriter la main-d’œuvre

  • La dernière décennie a été marquée par le départ massif à la retraite des baby-boomers. Ce phénomène associé au vieillissement de la population préoccupe les économistes depuis longtemps, comme en témoigne le tout premier rapport de l’IDQ.

  • Le plus fort de la vague des départs à la retraite des baby-boomers est maintenant derrière nous. Après avoir atteint un plateau d'environ 60 000 départs chaque année au cours de la dernière décennie, le rythme devrait ralentir, d'autant que les plus jeunes baby-boomers travaillent plus longtemps (graphique 22). En 2024, la majorité de cette génération avait déjà pris leur retraite, les plus âgés atteignant 80 ans.

  • Cependant la population âgée de 60 à 69 ans – soit celle habituellement en voie de prendre sa retraite – reste élevée avec 1,2 million de personnes au Québec (graphique 23). Ce nombre devrait graduellement s’estomper d’ici 2031, éliminant ainsi le déséquilibre qui s’était créé face aux personnes qui amorcent leur carrière (20-29 ans).

graphique 22
graphique 23

L’immigration devrait ralentir… et stimuler les pénuries

  • Les pénuries de main-d'œuvre généralisées au sortir de la pandémie ont incité les gouvernements fédéral et provincial à assouplir leurs règles d’accès au marché du travail pour les travailleurs étrangers temporaires. En parallèle, les établissements d'enseignement ont accru leur recrutement d'étudiants internationaux.

  • Ces facteurs, combinés à la récente hausse du nombre de demandeurs d'asile, ont stimulé la croissance démographique au Québec et atténué certaines tensions sur le marché du travail. Mais l'ampleur de cette hausse a conduit Ottawa et Québec à resserrer les conditions d'accueil des travailleurs temporaires et des étudiants étrangers.

  • Pour la première fois de son histoire, le gouvernement fédéral a établi une cible d'immigration temporaire, fixée à 5 % de la population canadienne d’ici 2027. Le Québec prévoit également intégrer l'immigration temporaire dans sa planification pluriannuelle au cours de l'année à venir.

  • Pour atteindre cet objectif de 5 % imposé par le fédéral, le Québec devrait réduire le nombre de nouveaux permis de 269 000 en 2024 à 91 000 en 2027, ce qui représente une diminution des deux tiers.

  • Une telle réduction de l’immigration temporaire risque de faire resurgir les difficultés de recrutement dans plusieurs secteurs et régions du Québec. Non seulement la population active du Québec stagnerait plutôt que de s’accroître au cours des prochaines années, mais plusieurs secteurs (restauration et hébergement, fabrication) qui ont eu recours de manière importante au recrutement international se verront privés – à courte échéance – de travailleurs.

  • Mais des questions persistent quant à la faisabilité d’une telle baisse dans les délais prescrits car malgré les différentes annonces, le nombre de permis de travail émis (PTET et PMI) n’a cessé d’augmenter en 2024.

Le secteur public continue d’être gourmand en travailleurs, surtout en santé

  • Entre décembre 2023 et décembre 2024, la création nette d’emplois a été plus forte dans le secteur public (+40 500) que dans le secteur privé (+8 900). En conséquence, la part de l’emploi dans le secteur public a poursuivi sa hausse et atteint un niveau jusqu’alors inédit ces dix dernières années, soit 24 % de l’emploi total (graphique 24).

  • Cette hausse a été notamment portée par la croissance de l’emploi en santé, dont une part importante se trouve dans le secteur public et qui comptabilise 46 500 emplois de plus en 2024. Cette hausse s’explique par l’importance des besoins des établissements de santé, mais aussi par l’arrivée d’immigrants temporaires qui ont comblé des postes vacants dans ce secteur. Notons qu’au cours des années précédentes, ces immigrants temporaires étaient relativement peu présents dans le secteur.

  • Malgré ces importantes embauches, les besoins en main-d’œuvre dans le secteur de la santé continueront d’être pressants. En effet, le nombre d’employés par milliers d’habitants de 70 ans et plus demeure en deçà du ratio observé avant la pandémie malgré un rebond en 2024 (graphique 25). Alors qu’on y comptait 296 travailleurs en décembre 2019, ils n’étaient plus que 282 en décembre 2024.

  • Sans gain d’efficacité ou sans recul du rôle de l’État dans la livraison de soins, il faudra donc maintenir un rythme d’embauche rapide dans le secteur public afin de répondre aux besoins d’une population vieillissante. Toutefois, la volonté affichée par le gouvernement de réduire le déficit public pourrait ralentir la croissance de l’emploi dans le secteur public dans les prochaines années.

graphique 24
graphique 25

Une main-d’œuvre qui demeure plus rare hors de Montréal

  • Le marché du travail présente des réalités contrastées selon les diverses régions du Québec. Le recul du marché de l’emploi s'avère nettement plus prononcé à Montréal qu’ailleurs au Québec.

  • L'analyse du nombre de chômeurs par poste vacant illustre bien cette disparité régionale. Bien que ce ratio demeure souvent plus élevé à Montréal, l’écart avec le reste du Québec s'est creusé de façon marquée, si bien qu’au troisième trimestre de 2024, on comptait 2,7 chômeurs par poste vacant à Montréal contre 1,6 dans les autres régions (graphique 26).

  • Les régions font donc encore face à des enjeux de main-d'œuvre plus aigus qu'à Montréal, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, la concentration persistante de l'immigration à Montréal continue d'exacerber ces disparités régionales.

  • En fait, les régions éloignées – Côte-Nord et Nord-du-Québec, Abitibi-Témiscamingue- peinent à bénéficier des flux migratoires, qu'ils soient interrégionaux ou internationaux. Les récentes restrictions en matière d'immigration temporaire risquent d’ailleurs de les affecter plus particulièrement, car elles sont déjà plus touchées par le vieillissement démographique et les départs à la retraite.

  • Les Québécois sont aussi peu susceptibles de changer de région pour profiter des opportunités d’emploi qui peuvent se trouver ailleurs. D’ailleurs, les migrations interrégionales au Québec ont atteint en 2022-2023 leur plus bas niveau en deux décennies. Ainsi, malgré la hausse marquée du chômage observée en 2024, de nombreuses régions comptent toujours peu de chômeurs par postes à pourvoir (graphique 27).

graphique 26
graphique 27

Annexe

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Conclusion

Alors que le Québec aborde 2025, plusieurs transformations majeures façonneront le marché du travail cette année. À ce chapitre, la présente édition du Bilan de l’emploi soulève bon nombre de questions qui méritent une attention particulière.

La menace de nouveaux tarifs douaniers américains pourrait peser lourdement sur l’économie québécoise, particulièrement dans le secteur manufacturier. Même avant leur éventuelle mise en place, l’incertitude entourant ces mesures freine déjà les intentions d’investissement et de recrutement des employeurs. Si ces tarifs venaient à être instaurés, leur ampleur et leur durée détermineraient l’impact final qui pourrait aller d’une légère réduction d’heures de travail à une hausse du chômage, une baisse des revenus ou encore des départs du marché du travail.

Les nouvelles restrictions en matière d’immigration soulèvent des questions quant à leur impact sur les secteurs en pénurie de main-d’œuvre. Une réduction simultanée du bassin de travailleurs et de la demande en main-d’œuvre pourrait-elle atténuer l’effet des tarifs sur le chômage ? Quels secteurs seront les plus touchés par ces changements ? Comment ces restrictions affecteront-elles la disponibilité de la main-d'œuvre ?

L’activité devrait rester soutenue dans l’industrie de la construction, notamment grâce aux grands projets à venir, comme ceux d’Hydro-Québec et le Plan québécois des infrastructures. Cela serait d’autant plus vrai si la construction était utilisée comme un levier de relance et de soutien à l’économie. Dans quelle mesure ces projets pourront-ils compenser un ralentissement dans d’autres secteurs ? Quels outils pourraient être mobilisés pour accélérer leur mise en œuvre ?

La réforme en cours du système de santé représente un autre enjeu majeur. Ses impacts sur l'organisation du travail, la mobilité professionnelle et les besoins en personnel devront être analysés de près. Comment ces transformations influenceront-elles l'attractivité du secteur et la rétention du personnel ?

Enfin, l’objectif du gouvernement du Québec de ralentir la croissance des dépenses pour atteindre l’équilibre budgétaire d’ici cinq ans pourrait ralentir la réalisation de grands projets et limiter le recrutement dans le secteur public. Quels secteurs prioritaires risquent d’être affectés ? Comment concilier rigueur budgétaire et maintien des services essentiels ?

Ces enjeux auront une influence importante sur l’évolution du marché du travail québécois en 2025. Ils soulèvent des questions qui méritent une réflexion approfondie pour mieux comprendre leurs impacts et s’y adapter. L’Institut du Québec poursuivra son travail pour éclairer ces défis et contribuer à mieux orienter les décisions qui façonneront l’avenir du marché du travail.