Main d'oeuvre
RAPPORT
8 min

Répercussions de lautomatisation et de lIA sur la main-dœuvre au Québec

Quels sont les travailleurs et travailleuses les plus vulnérables ?

Rapport
Communiqué de presse
15 janvier 2025

En bref

L’intelligence artificielle comme accélérateur de l’automatisation

  • L'intelligence artificielle (IA) représente une nouvelle génération de technologies qui se distinguent des autres par leur potentiel à accroître les capacités d’autres technologies d’automatisation, pour les rendre plus efficaces et autonomes. À titre d’exemple, les systèmes de traitement du langage naturel qui permettent désormais aux robots conversationnels d’être plus performants.

  • Bien que l’IA s'inscrive dans un flux constant d'innovations numériques, elle pourrait bien devenir une technologie de rupture dans le sens où certaines de ses applications comme ChatGPT ont été adoptées à une vitesse remarquable, notamment parce qu’elle ne nécessite aucune compétence particulière. Non seulement elle pourrait servir à accomplir certaines tâches, – pas uniquement répétitives mais aussi créatives et jusqu’alors réalisées par des humains –, mais aussi contribuer à créer de nouveaux modèles d’affaires.

  • Pour l’heure, la technologie ne peut remplacer plusieurs activités humaines, particulièrement celles qui exigent de l'intelligence sociale, de la créativité ou encore des manipulations physiques complexes.

Au-delà du risque d’être remplacé par une machine : comprendre la vulnérabilité professionnelle

  • Alors que de nombreux emplois sont susceptibles d'être transformés par l’IA au cours des années à venir, l’inquiétude des travailleurs et travailleuses tient surtout au fait que leurs emplois pourraient disparaître.

  • Dans un contexte de rareté de main-d’œuvre, l’inquiétude devrait toutefois plutôt porter sur le fait que certains travailleurs et travailleuses ne parviendront pas à se réorienter professionnellement. Cette main-d’œuvre, décrite comme vulnérable dans le présent rapport, occupe des postes à haut risque d'automatisation et dispose de peu d'options de reconversion rapide vers des emplois moins menacés.

  • En appliquant, pour la première fois au contexte québécois, une méthodologie éprouvée à l’international pour identifier ces travailleurs et travailleuses vulnérables, l’Institut du Québec a pu estimer qu’environ 810 000 personnes, soit 18 % de la main-d'œuvre québécoise, travaillent ou cherchent un emploi dans 96 professions actuellement vulnérables à l’automatisation. On parle ici d’automatisation à la fois par la robotisation et par des applications d’IA.

  • Les jeunes de 15 à 24 ans, qui occupent plus souvent des emplois en vente et services, sont davantage à risque. La situation est particulièrement préoccupante pour ceux qui ne poursuivent pas d'études et qui souhaitent faire carrière dans ces emplois vulnérables à l’automatisation. Quelque 27 % des adultes de plus de 25 ans sans diplôme occupent ou cherchent un emploi dans une profession vulnérable.

  • Bien que les diplômées et diplômés universitaires de 25 ans et plus ne soient pas complètement épargnés, ils restent très peu exposés : 8 % d’entre eux occupent ou cherchent un emploi dans une profession vulnérable, et ce, même si les nouvelles formes d’IA génératives – capables de créer du contenu original – les exposent plus qu’avant au risque d’automatisation. Leur avantage? Ils pourront miser sur leurs nombreuses compétences transversales pour faciliter leur reconversion professionnelle dans l’éventualité où leur emploi venait à être robotisé ou bon nombre de leurs tâches automatisées.

L’intelligence artificielle pourrait améliorer la productivité... sous certaines conditions

  • L'intelligence artificielle a le potentiel d’améliorer la productivité du Québec. D’une part, l’IA permet d’accroître la productivité individuelle en assistant les humains dans leurs tâches, comme par exemple, en les aidant à résumer de longs rapports. D’autre part, elle permet aussi d’automatiser certaines tâches et de réallouer les travailleurs vers des tâches à plus forte valeur ajoutée.

  • Cette hausse de la productivité tomberait à point nommé pour le Québec, qui en a bien besoin pour soutenir sa croissance et réduire les difficultés de recrutement dans plusieurs secteurs.

  • Cependant, l’IA ne favorisera pas une hausse de la productivité, si elle n’est adoptée que pour remplacer les humains et maintenir ainsi dans l’économie des activités à faible valeur ajoutée. Pis encore, à défaut d’assurer la réorientation de la main-d’œuvre vulnérable, une telle application de l’IA aurait le potentiel de multiplier les perdants.

  • À la différence du grand public qui a adopté très rapidement certaines applications d’IA, comme ChatGPT, les organisations québécoises risquent de prendre plus de temps à utiliser l’IA pour transformer leurs processus. Ainsi, seuls 12 % des entreprises québécoises prévoient utiliser l’IA pour produire des biens ou livrer des services dans la prochaine année.

Pratiques inspirantes en formation et en requalification

  • Contrairement aux autres technologies qui exigent souvent des connaissances techniques spécifiques, les plus récentes applications d'intelligence artificielle, par leur grande convivialité, en démocratise l’accès. Il suffit désormais d’échanger de vive voix avec un ordinateur pour qu’il exécute nos commandes.

  • Cette accessibilité ne réduit pas les besoins en formation, mais les réoriente. Ce qui importe désormais, c’est de former des experts pour créer des solutions logicielles d’IA, former les gestionnaires pour intégrer ces solutions dans leur organisation et accompagner les employés et employées plus vulnérables dans le développement de compétences transversales pour assurer leur adaptabilité professionnelle.

  • Parmi les pratiques récemment mises en place au Canada par le Centre des Compétences futures – et dont quelques exemples sont présentés dans le présent rapport –, notons la création d'un centre de mentorat jumelant quelque 5 000 travailleuses et travailleurs de la santé à des experts en technologie afin de favoriser l’intégration de l'IA à leurs projets d'innovation, ou la requalification d’employés vulnérables du commerce de détail vers des postes en vente privilégiant l'interaction client ou encore des formations favorisant l’acquisition de compétences pour des postes en technologie numérique dans les PME.

Pistes d'action

Pour s’assurer que l'IA contribue à accroître la productivité du Québec, les organisations devraient accélérer leurs investissements en l'IA pour pallier les pénuries de main-d’œuvre et réallouer leur personnel vers des tâches plus gratifiantes et à plus forte valeur ajoutée.

Pour renforcer la résilience des travailleuses et des travailleurs, les gouvernements et leurs partenaires du domaine de l’éducation et de la formation devraient mieux prendre en compte les besoins de requalification des personnes à l’emploi dans leurs mesures d’aide à la formation, et non pas uniquement au chômage.

Pour mieux anticiper les besoins à venir, les gouvernements devraient intégrer systématiquement l'impact des nouvelles technologies dans les prévisions des besoins en main-d'œuvre, lesquelles servent notamment à planifier l'offre de formation professionnelle et collégiale et les politiques d'immigration.

À propos de l’Institut du Québec

L’Institut du Québec est un organisme à but non lucratif qui axe ses recherches et ses études sur les enjeux socioéconomiques auxquels le Québec fait face. Il vise à fournir aux autorités publiques et au secteur privé les outils nécessaires pour prendre des décisions éclairées, et ainsi contribuer à bâtir une société plus dynamique, compétitive et prospère.

Ce rapport a été préparé par Anthony Migneault, avec la collaboration de Emna Braham, Simon Savard et Jean-Baptiste Vallantin-Dulac.

À propos du Centre des Compétences futures

Le Centre des Compétences futures (CCF) est un centre de recherche et de collaboration d’avant-garde qui se consacre à préparer la population canadienne à réussir sur le marché du travail parce qu’ils et elles devraient avoir confiance dans leurs compétences pour réussir sur un marché en constante évolution. La communauté pancanadienne que le CCF forme collabore afin de repérer, d’éprouver et de mesurer rigoureusement des approches novatrices en matière d’évaluation et d’acquisition des compétences dont elle a besoin pour réussir dans les jours et les années à venir, pour ensuite partager ces approches. Le CCF a été fondé par un consortium dont les membres sont l’Université métropolitaine de Toronto, Blueprint ADE et le Conference Board du Canada.

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