Veille de l'emploi
NOTE D'ANALYSE
7 min

Regard sur les postes vacants

La croissance ralentit, les salaires ne suivent pas la hausse du coût de la vie

Rapport
23 juin 2022

En bref

Le point sur les postes vacants

  • Le nombre de postes vacants a légèrement augmenté entre le quatrième trimestre de 2021 (241 195 postes) et le premier trimestre de 2022 (245 470 postes).

  • Dans les deux années précédant l’émergence de la COVID-19, le nombre de postes vacants a cru plus rapidement, soit de 5,2 % en moyenne trimestriellement. Du 4e trimestre 2021 au 1er trimestre 2022, cette progression a été de 1,8 %. La croissance du nombre de postes vacants est en net ralentissement comparativement à celle observée dans le passé.

  • Toutefois, la croissance relative des postes vacants dépasse systématiquement la croissance de l’emploi salarié depuis 2018, indiquant ainsi que le rythme d’embauche n’est pas assez rapide pour satisfaire la demande des employeurs.

  • Le taux de postes vacants qui mesure la part de la demande en main-d’œuvre non comblée est passé de 3,7 % à 6,2 % en deux ans.

  • Le Québec (6,2 %) et la Colombie-Britannique (6,4 %) demeurent les provinces ayant les plus hauts taux de postes vacants.

  • Les régions comptant les plus hauts taux de postes vacants, soit la Capitale-Nationale (8,5 %), les Laurentides (7,0 %), Laval (6,7 %), Lanaudière (6,5 %) et Chaudière-Appalaches (6,3 %) sont également celles où l’emploi salarié a le moins augmenté depuis deux ans (en excluant la région administrative des Laurentides). En d’autres termes, dans ces régions, la croissance de l’emploi semble freinée par le manque de travailleurs.

  • Le ratio entre le nombre de chômeurs et le nombre de postes vacants est à un creux. À 1,9 au premier trimestre de 2020, le ratio s’établit désormais à 0,9, ex aequo avec la Colombie-Britannique.

Des secteurs aux prises avec des enjeux majeurs de recrutement

Les phénomènes de rareté de main-d’œuvre exercent de la pression importante dans plusieurs secteurs de l’activité économique au Québec.

Des secteurs qui attirent des travailleurs :

  • Cinq secteurs ayant le plus augmenté l’emploi salarié du 1er trimestre 2020 au 1er trimestre 2022 (+132 375) ont représenté 37 % des nouveaux postes vacants sur cette période. Parmi ceux-ci, trois secteurs se sont démarqués : les soins de santé et l’assistance sociale, les services professionnels scientifiques et techniques, et la construction.

  • Le secteur de la santé et de l’assistance sociale est celui qui, depuis deux ans, a eu à la fois la plus forte hausse du nombre de postes vacants (+17 785) et de l’emploi salarié (+67 520). Le taux de postes vacants y est désormais de 6,4 %, en hausse par rapport aux 3,9 % exprimés deux ans plus tôt. La demande non comblée (+91,6 %) a augmenté plus rapidement que le nombre de salariés (+14,2 %) dans ce secteur. Selon le Quotidien de Statistique Canada publié le 21 juin 2022, cette incapacité du marché du travail de fournir des employés à ce secteur en particulier pourrait être « attribuable à une pénurie de travailleurs hautement spécialisés, plutôt qu’à l’absence de correspondance entre les salaires offerts et les salaires de réserve (…) », signifiant que les salaires offerts ne représentent pas un enjeu important pour ce secteur. 

Des secteurs qui ne parviennent pas à attirer des travailleurs :

  • Pour l’autre catégorie de secteurs, celle pour laquelle les postes vacants ont augmenté et l’emploi salarié a diminué, la réalité est tout autre : il est difficile d’y attirer des candidats notamment en raison des conditions salariales difficiles. En effet, les deux dernières années ont provoqué un déplacement des travailleurs des secteurs comme l’hébergement et la restauration vers des secteurs offrant des emplois plus stables et mieux rémunérés. En effet, les cinq secteurs ayant le plus perdu d’emplois salariés au net (-81 065 depuis deux ans) ont également généré 35 675 postes vacants supplémentaires sur cette même période.

  • Parmi ces secteurs, deux se sont particulièrement distingués : les services d’hébergement et de restauration, et la fabrication. Les deux sont désormais dotés de taux de postes vacants atteignant respectivement les 11,6 % et 6,6 %, comparativement à 4,7 % et 3,4 % deux ans plus tôt. C’est ainsi que, dans la foulée de la levée de plusieurs mesures sanitaires au 2e trimestre de 2022, l’emploi salarié dans l’hébergement et la restauration a tout de même diminué de 51 015 depuis deux ans (- 18,9 %), alors que le nombre de postes vacants dans ce secteur a augmenté de 15 215 (+114,1 %). Dans le secteur de la fabrication, on retrouve davantage une incapacité de recruter de nouveaux effectifs, avec une baisse de l’emploi salarié de 1,7 %, et d’une hausse des postes vacants de 100,9 %.

  • Selon le plus récent coup de sonde de l’Enquête sur la situation des entreprises canadiennes, 73,8 % des entreprises des services de l’hébergement et de la restauration au Québec estimaient s’attendre à devoir surmonter des obstacles liés à la pénurie de main-d’œuvre. Ces pourcentages sont de respectivement 53,8 % pour la fabrication, et 46,1 % pour l’ensemble des entreprises. À ces obstacles s’ajoutent également ceux du recrutement d’employés qualifiés et du maintien en poste des employés qualifiés, véritables enjeux pour les entreprises de ces deux secteurs.

Les salaires offerts dans les postes vacants ne suivent généralement pas la hausse du coût de la vie

  • L’une des manières pour les employeurs de demeurer attractifs pour la main-d’œuvre, dans un contexte d’offre limitée de travailleurs, est de consentir des hausses salariales généreuses. Dans le contexte d’inflation plus élevée, ces hausses s’avèrent cruciales pour que les chercheurs d’emplois puissent conserver ou accroître leur pouvoir d’achat.

  • Sur une base non désaisonnalisée, l’Indice des prix à la consommation a augmenté de 5,7 % entre le 1er trimestre de 2021 et 1er trimestre de 2022. Pendant la même période, le salaire horaire offert en moyenne dans les postes vacants n’a augmenté que de 4,3 %, soit un rythme moins élevé que l’augmentation du coût de la vie. À titre comparatif, selon l’Enquête sur la population active, le salaire horaire moyen a augmenté de 4,8 %, et de 4,6 % selon l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de travail pendant cette même période au Québec.

  • Toutefois, cette moyenne masque le fait que le salaire horaire moyen offert pour les postes vacants a augmenté bien davantage que la moyenne dans un peu plus de la moitié des 40 grands groupes professionnels au Québec. En effet, pour 21 des grands groupes professionnels, qui ont été à l’origine de 37,8 % de la hausse du nombre de postes vacants depuis un an, les salaires horaires moyens offerts se sont accrus de 10,5 % en moyenne. Pour les 19 autres groupes professionnels, qui ont été à l’origine de 62,2 % de l’augmentation des postes vacants sur un an, les salaires moyens offerts dans les postes vacants n’ont augmenté que de 1,8 % en moyenne. Néanmoins, le salaire horaire moyen offert dans ces 19 professions était de 27,90 $ au 1er trimestre de 2021, contre 23,33 $ pour les 21 professions qui ont été à l’origine des hausses salariales les plus importantes (moyenne pour l’ensemble des postes vacants étant de 23,15 $).

  • Cela signifie qu’un rattrapage salarial est en cours dans les postes vacants qui offrent les salaires les moins élevés. Parmi les 10 grands groupes professionnels ayant eu les hausses salariales les plus élevées dans les postes vacants, on compte 7 professions qui se situent en dessous de la moyenne salariale. Parmi celles-ci se retrouvent notamment le personnel de soutien des services de santé, le personnel technique des arts et de la culture, les manœuvres à la récolte et le personnel d’installation, de réparation et d’entretien et manutentionnaires.

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