Rapport
Étudier, est-ce encore si payant?
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Communiqué de presse
Les pénuries de main-d’œuvre ont-elles freiné les avancées en diplomation?
- Le niveau de scolarité au Québec a considérablement progressé au cours des dernières décennies mais des défis importants persistent. Le taux de décrochage au secondaire demeure préoccupant, d’autant plus qu’il stagne depuis 2016. De plus, le Québec compte moins de diplômés universitaires que de nombreux États et provinces avec lesquels il a l’habitude de se comparer.
- Les enjeux de scolarisation auxquels le Québec fait face sont nombreux et leur résolution n’est pas simple. Cependant, un phénomène spécifique requiert davantage de vigilance: la concurrence entre le marché du travail et la poursuite des études. La décision de s’engager dans des études plus longues dépend en partie des avantages financiers qu’elles pourraient apporter. Quand l’écart de salaire entre les emplois qui requièrent une plus courte scolarité et ceux qui nécessitent une plus longue scolarité se resserre, l’avantage financier à étudier plus longtemps devient moins évident, ce qui peut décourager certains jeunes à poursuivre leurs études.
- Or, entre 2017 et 2023, les occasions d’emploi se sont faites très nombreuses et lucratives alors que le Québec composait avec des pénuries de main-d’œuvre aiguës qui ont fait grimper le nombre de postes d’entrée et par conséquent, les salaires.
Les études c’est payant, mais moins qu’avant
- Historiquement, un niveau d’éducation plus élevé s’est traduit par des salaires supérieurs – c’est ce qu’on appelle ici l’avantage salarial des études. Au Québec, cet avantage demeure significatif : un adulte de 40 à 49 ans qui détient un diplôme universitaire gagne en moyenne 60 % de plus qu’un diplômé d’études secondaires ou moins, et 35 % de plus qu’un diplômé du professionnel ou du collégial.
- Toutefois, cet écart s’est resserré significativement. L’avantage salarial d’un diplôme universitaire est passé de 81 % à 60 % entre 2017 et 2023. Cette baisse est encore plus prononcée chez les hommes, avec une chute de 81 % à 55 % entre 2017 et 2023.
- Cette évolution s’explique en partie par l’augmentation de la demande dans certains secteurs requérant peu de scolarité mais bien rémunérés, comme celui de la construction, où les hommes sont surreprésentés.
Les postes requérant moins de scolarité sont devenus plus payant
- Le déclin de l’avantage salarial lié aux études s’explique principalement par une croissance plus rapide du salaire des travailleurs moins scolarisés. Entre 2017 et 2023, le salaire ajusté pour l’inflation des travailleurs détenant un diplôme d’études secondaires ou moins s’est accru de 10 %, alors que celui des diplômés d’études professionnelles ou collégiales (+4 %) et des diplômés universitaires (-3 %) a stagné, voire carrément diminué.
- Cette hausse des salaires est en partie attribuable à la compétition pour recruter et retenir des travailleurs moins scolarisés. Au Québec, la demande pour de nombreux postes qui n’exigent aucune scolarité s’est rapidement accrue entre 2017 et 2023 (+7 %) alors que ce type de main-d’œuvre se faisait de plus en plus rare en raison de la hausse de la diplomation (-3 %).
- Ces pressions sur le marché de l’emploi ont aussi favorisé une plus grande mobilité professionnelle : la part de travailleurs « sous-qualifiés », soit ceux qui détiennent un diplôme d’études secondaires ou moins mais qui occupent un poste habituellement attribué aux diplômés d’études professionnelles, collégiales ou universitaires, est passée de 28 % à 33 % entre 2017 et 2023.
- Par ailleurs, depuis 2017, une nouvelle politique visant à accroître le salaire minimum en a aussi accéléré la croissance au Québec. Si bien que ce dernier a augmenté de 40 % depuis alors que l’ensemble des salaires n’a cru que de 34 % entre 2017 et 2023. Précisons également que cette initiative a surtout bénéficié aux personnes moins scolarisées, car plus de la moitié des travailleurs rémunérés au salaire minimum au Québec détiennent un diplôme d’études secondaires ou moins.
- Rien ne laisse toutefois présager que cette hausse salariale soit durable pour les travailleurs moins scolarisés. À moyen terme, les fluctuations sur le plan économique pourraient changer la donne. Déjà, le ralentissement économique récent a réduit la demande pour ce type d’emplois. Entre les premiers trimestres de 2023 et ceux de 2024, la demande a fléchi de 5 % et l’offre s’est accrue de 3 % avec l’arrivée massive des travailleurs temporaires, nota
Des diplômés très en demande, et qui le resteront
- Si au Québec, l’écart entre l’offre et la demande pour les emplois requérant une plus longue scolarité a été moindre que pour ceux qui n’exigent pas de scolarité, aucun surplus de diplômés n’a pour autant été enregistré. Plus spécifiquement, l’offre de travail des diplômés universitaires – c’est-à-dire le nombre de détenteurs d’un tel diplôme, qu’ils soient à l’emploi ou à la recherche d’un travail – a augmenté de 22 % entre 2017 et 2023. Toutefois, la demande pour ce type de travailleurs s’est accrue encore plus rapidement (24 %) au cours de cette même période. Mieux encore, cette demande n’a pas fléchi lors du ralentissement économique.
- La valeur du diplôme universitaire se maintient donc malgré la hausse du nombre de diplômés, car une économie riche en travailleurs éduqués s’oriente vers des activités basées sur le savoir, stimulant ainsi la demande pour ce type de profils.
- Les diplômés sont également plus habilités à s’adapter aux innovations technologiques et à résister aux contrecoups économiques. Cette adaptabilité se traduit notamment par un avantage salarial des diplômés universitaires qui s’accentue avec l’âge, passant de 25 % pour les 20-24 ans à 71 % pour les 45-49 ans, alors que les salaires des détenteurs d’un diplôme d’études secondaires ou moins stagnent généralement à 40- 44 ans.
- L’avantage en faveur des travailleurs plus scolarisés devrait aussi perdurer. Car si la transition démographique actuelle favorise les travailleurs moins scolarisés, elle incite aussi simultanément les entreprises à innover et à adopter de nouvelles technologies pour demeurer concurrentielles. Cette évolution nécessite une main-d’œuvre plus qualifiée, capable de s’adapter rapidement.
- Les travailleurs scolarisés, plus aptes à maîtriser ces technologies, jouent un rôle clé dans la stimulation de l’innovation et l’amélioration de la productivité. Pour le Québec, ces gains de productivité seront cruciaux pour générer de la richesse à long terme et assurer des revenus suffisants à l’État. Ces ressources seront essentielles pour gérer efficacement la transition démographique et les défis qui y sont associés.
L’éducation pour atteindre notre plein potentiel
- Si au Québec, l’écart entre l’offre et la demande pour les emplois requérant une plus longue scolarité a été moindre que pour ceux qui n’exigent pas de scolarité, aucun surplus de diplômés n’a pour autant été enregistré. Plus spécifiquement, l’offre de travail des diplômés universitaires – c’est-à-dire le nombre de détenteurs d’un tel diplôme, qu’ils soient à l’emploi ou à la recherche d’un travail – a augmenté de 22 % entre 2017 et 2023. Toutefois, la demande pour ce type de travailleurs s’est accrue encore plus rapidement (24 %) au cours de cette même période. Mieux encore, cette demande n’a pas fléchi lors du ralentissement économique.
- Les bénéfices tant individuels que collectifs de l’éducation appellent à redoubler d’efforts pour atteindre trois objectifs essentiels : réduire le décrochage scolaire, accroître le niveau de scolarité, et offrir des occasions de développement des compétences tout au long de la vie professionnelle. Ces actions visent à compenser les lacunes actuelles de notre système éducatif et à maximiser le potentiel de chacun. Ces efforts sont d’autant plus nécessaires lorsque – comme au cours des dernières années – le vent a soufflé en sens contraire et que les avantages de l’éducation se sont faits moins évidents. L’atténuation des pénuries de main-d’œuvre rappelle que l’éducation demeure le meilleur bouclier contre les aléas de l’économie.
Emna Braham,
Simon Savard,
Anthony Migneault,
Mya Tazi