Dans ce rapport, nous évaluons les incidences démographiques et économiques de différents scénarios d’immigration sur une période s’échelonnant de 2019 à 2040 afin d’alimenter la réflexion et les politiques d’immigration du Québec. Bien que nos analyses soient principalement d’ordre économique, nous sommes conscients que ces dernières ne représentent qu’une facette d’une réalité beaucoup plus complexe, qui inclut d’autres facteurs cruciaux comme l’intégration sociale et culturelle des immigrants.
Les quatre scénarios d’immigration qui ont été modélisés pour les fins de ce rapport sont : 1) Un Québec sans immigration (scénario contrefactuel) ; 2) Le Québec accueille 12 % de la cible canadienne d’immigrants (40 000 en 2019; 54 000 en 2040) ; 3) Le Québec maintient la même cible d’immigration qu’en 2018, soit une part de 16 % de l’immigration canadienne (53 000 en 2019; 71 000 en 2040) et 4) Le Québec accueille 23 % des immigrants canadiens (63 000 en 2019; 103 000 en 2040), une proportion équivalente à son poids démographique au Canada.
Nos simulations démontrent qu’en raison du faible taux de natalité et du vieillissement rapide de la population au Québec, l’immigration contribuera grandement à y assurer une croissance économique et à freiner la baisse de son poids démographique et économique au sein du Canada.
Principal constat : peu importe le scénario retenu, il ressort de toutes les simulations effectuées qu’à elle seule, l’immigration ne pourra pas annuler totalement l’impact du vieillissement de la population sur l’économie. Elle pourra toutefois en atténuer les effets démographiques et économiques, notamment en assurant un ratio plus élevé de travailleurs par retraité.
En outre, l’analyse nous apprend que si le Québec opte pour un seuil d’immigration qui correspond à 12 % de la cible canadienne, l’apport économique des nouveaux arrivants assurerait un tiers de sa croissance économique en 2040. Dans le scénario où il augmenterait cette part à 23 % du solde canadien, l’immigration aurait davantage d’incidence sur la croissance économique, contribuant à la moitié de la croissance en 2040.
De plus, l’exercice montre que la croissance du PIB réel par habitant serait plus faible dans les scénarios où le Québec accueillerait plus d’immigrants. Il faut toutefois interpréter ce type de résultat avec prudence car restreindre le bassin de main-d’œuvre pourrait aussi avoir un impact négatif sur les investissements des entreprises à plus long terme, ce qui pourrait éventuellement réduire la qualité de vie de l’ensemble de la population.
Bien que l’immigration ait des incidences démographiques et économiques généralement positives sur l’économie québécoise, les modélisations démontrent clairement qu’il n’existe pas un nombre optimal d’immigrants que le Québec devrait accueillir chaque année et qui, telle une solution magique, viendrait compenser les incidences du vieillissement de la population.
Les résultats de l’analyse – surtout ceux sur le PIB réel par habitant – indiquent que le nombre annuel de nouveaux arrivants devrait plutôt être établi en fonction de notre capacité à les intégrer sur le marché du travail. Ainsi, plus l’intégration sera rapide et efficace, plus la contribution des immigrants à l’économie et à la qualité de vie des habitants sera importante. Les seuils annuels d’immigration devraient donc être fortement liés à la capacité d’intégration des nouveaux arrivants au marché du travail québécois et être plus fréquemment ajustés.
Depuis 2017, la situation des immigrants sur le marché du travail s’est clairement améliorée au Québec. Les taux d’emploi et d’activité connaissent une hausse alors que le taux de chômage est en baisse. Si cette tendance se poursuit, l’immigration aura des incidences économiques encore plus importantes dans les décennies à venir.
Malgré ces récentes améliorations, le Québec accuse toujours un important retard par rapport au reste du Canada quant à l’intégration en emploi des immigrants, principalement pour ceux arrivés depuis moins de cinq ans. Pour remonter la pente, il faudra mettre les bouchées doubles pour obtenir de meilleurs résultats sur de multiples aspects de la politique d’immigration comme les délais et l’efficacité du processus de sélection, la reconnaissance des qualifications et de l’expérience étrangères ainsi que les efforts de francisation.
Ainsi, alors que la population vieillit et que le marché du travail se resserre, il faut, plus que jamais, tout mettre en œuvre pour que les progrès récemment observés se poursuivent et permettent enfin à l’immigration de déployer son plein potentiel sur notre économie. Si tel était le cas, il faudrait, le moment venu, que le gouvernement ait l’ouverture de revoir les seuils d’immigration à la hausse sans tergiverser.
Kareem El-Assal, Simon Savard, Mia Homsy