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La pauvreté est-elle une fatalité ? L’est-elle plus au Québec qu’ailleurs ? Dans une société qui a besoin des talents de tous, la pauvreté est plus qu’un drame individuel : c’est une responsabilité collective. Cette responsabilité impose de comprendre la réalité de la pauvreté au Québec, mais aussi les leviers disponibles pour s’en sortir.
En 2017, l’Institut du Québec (IDQ) a publié un premier rapport sur la mobilité et les inégalités sociales, intitulé Le Québec est-il égalitaire ? Étude de la mobilité sociale et de l’égalité du revenu au Québec et au Canada. Le concept de mobilité sociale réfère à la possibilité ou non pour une personne de sortir de sa classe économique et permet notamment de mesurer les probabilités d’un individu de sortir de la pauvreté. Une meilleure mobilité sociale permet à une société de bénéficier des talents des personnes, peu importe leur classe économique d’origine.
La pauvreté au Québec fait partie des préoccupations des gouvernements depuis des décennies. Les politiques publiques de lutte contre la pauvreté ont permis de stabiliser, au fil des ans, la proportion de personnes qui vivent en situation de faible revenu à des niveaux similaires à la moyenne canadienne, sans toutefois parvenir à la réduire significativement. Selon différentes mesures retenues, c’est soit 9 %, soit 14,4 % des Québécois qui n’avaient pas en 2017 le revenu nécessaire pour assumer une vie pleine et entière en société. Ce portrait est semblable à celui du reste du Canada et il demeure stable depuis plusieurs années.
Malgré tout, la pauvreté semble plus persistante au Québec, où 5 % de la population a déclaré des revenus faibles chaque année de 2009 à 2016, une proportion plus grande que la moyenne canadienne. Si le nombre de personnes en situation de pauvreté au Québec n’est pas plus grand qu’ailleurs au Canada, la durée de cette situation y est plus longue.
Quant aux inégalités, bien qu’elles soient en progression aux États-Unis depuis les années 1980, la situation est meilleure au Québec et au Canada où les inégalités sont moins marquées que dans certains pays en Occident. Bien qu’au Québec, les inégalités de marché (avant impôt et transferts) ne sont pas nécessairement plus basses que dans les autres provinces canadiennes, elles sont demeurées stables depuis les années 1990. Notre fiscalité et les transferts qu’elle soutient permettent toutefois d’inverser ce portrait en rendant la société québécoise parmi les plus égalitaires au Canada.
Cela dit, est-ce que la classe moyenne ou aisée est accessible pour une personne en situation de pauvreté au Québec compte tenu de la redistribution de la richesse qui réduit l’écart entre les classes économiques? Si l’on compare le Québec avec plusieurs pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), il est vrai que l’on bénéficie d’une grande mobilité sociale, mais celle-ci n’est pas supérieure à celle observée dans le reste du Canada. Néanmoins, 72,2 % des enfants de 16 à 19 ans en 1986 qui étaient en situation de pauvreté sont maintenant dans la classe moyenne ou supérieure.
Cette mobilité varie aussi selon les régions du Québec. Ainsi, dans les municipalités régionales de comté (MRC) où l’on retrouve un revenu médian plus élevé, un meilleur accès au logement abordable, des inégalités moindres, un décrochage scolaire plus faible, une diplomation universitaire supérieure, une proportion réduite de femmes monoparentales ou un accès plus facile à la propriété, on note une plus grande mobilité sociale.
La pauvreté n’est pas une fatalité au Québec. Les inégalités relativement basses et stables, un taux de pauvreté comparable à la moyenne canadienne et une bonne mobilité sociale permettent d’espérer que les personnes en situation de pauvreté puissent accéder à la classe moyenne ou supérieure. Ainsi, les politiques de redistribution de la richesse et de lutte contre la pauvreté semblent stabiliser la proportion de personnes en situation de pauvreté. Afin de permettre aux gens dans cette situation d’améliorer leur condition sociale, les politiques publiques pourraient à l’avenir être davantage axées sur l’ascension sociale et miser sur les leviers qui permettraient aux gens plus pauvres de s’intégrer plus facilement à la classe moyenne au Québec qu’ailleurs au Canada.
Jean-Guy Côté