Rapport
Efficacité énergétique : incontournable pour décarboner le Québec
Télécharger le rapport
Communiqué de presse
Des besoins croissants en électricité pour décarboner le Québec, qui nécessiteront plus d’efficacité
- Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les nouveaux besoins en électricité d’ici 2035 seront trois fois plus importants (45 TWh) pour décarboner le Québec que pour nourrir la croissance économique (15 TWh), notamment avec l’attraction de nouvelles entreprises.
- La politique-cadre sur les changements climatiques du Québec, qui vise à décarboner le Québec, repose fortement sur l’électrification, si bien que l’action climatique exercera inévitablement des pressions sur la demande en électricité. Ces pressions doivent aussi être conciliées avec les objectifs de développement économique du gouvernement.
- Les besoins en électricité pour décarboner le Québec serviront autant (24 TWh) à électrifier le chauffage des bâtiments (logements, commerce) et les transports (voitures personnelles, autobus) qu’à électrifier les industries du Québec (21 TWh).
- Si l’électrification du chauffage des bâtiments résidentiels et commerciaux demande tant d’électricité, c’est que 45 % de l’énergie qui y est consommée provient de sources fossiles.
Électrification des bâtiments : une augmentation importante des besoins en puissance et des économies d’énergie potentielles considérables
- Grâce à un modèle novateur développé par la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, l’Institut du Québec a simulé l’impact des ambitions environnementales du Québec sur la demande d’électricité.
- Les résultats de cet exercice montrent que l’électrification des transports exercerait peu de pression sur les besoins en puissance (+1 % en 2030 et +6 % en 2050), mais réduirait de manière plus importante les émissions de GES du Québec (-7 % en 2030 et -22 % en 2050).
- Inversement, l’électrification des bâtiments ferait considérablement croître la demande en puissance en période de pointe hivernale (+7 % en 2030 et +32 % en 2050), mais ne réduirait que modestement les émissions de GES du Québec (-2 % en 2030 et -9 % en 2050). Précisons également que c’est surtout cette demande de pointe hivernale qui contraindrait Hydro-Québec à accroître sa capacité de production.
- C’est donc le chauffage des bâtiments qui représente le potentiel d’efficacité énergétique le plus important au Québec.
Un objectif d’efficacité énergétique très ambitieux
- Pour répondre à la demande croissante d’électricité dans la province, Hydro-Québec a notamment comme objectif de dégager 21 TWh d’ici 2035, soit en moyenne 1,6 TWh par année en économies d’énergie récurrentes.
- Il s’agit d’un objectif qui dépasse largement les cibles précédentes (0,5 à 1,0 TWh par année), mais aussi les résultats obtenus en efficacité énergétique entre 2018 et 2023 (0,7 TWh par année).
- Cette ambition constitue toujours un défi de taille parce qu’il est difficile de s’assurer que tous les acteurs (ménages, entreprises, industries) adoptent de telles mesures dans les délais prévus, ce qui explique pourquoi il a été ardu d’atteindre les objectifs d’efficacité énergétique par le passé.
- Jamais dans l’histoire du Québec, le cadre réglementaire et les mesures en place n’ont permis de réaliser des économies d’énergie aussi importantes. Si ce cadre est déjà en train de changer, il devra rapidement être exploité.
Des barrières à la performance des mesures d’efficacité énergétique dans les bâtiments
- L’amélioration de l’efficacité énergétique repose d’abord sur les investissements dans les rénovations et les technologies écoénergétiques, ainsi que sur les initiatives des gouvernements et des fournisseurs d’énergie pour les stimuler, bien plus que les comportements individuels au quotidien. Or, l’analyse comparée des pratiques en efficacité énergétique des bâtiments a permis d’identifier des barrières à ces efforts.
- Tarification : les bas tarifs québécois limitent la rentabilité des investissements visant à réduire la consommation d’énergie et minent l’efficience d‘autres outils comme la tarification dynamique ou les subventions aux technologies écoénergétiques.
- Tarification dynamique : la réglementation en place empêche de systématiser l’adoption de la tarification dynamique, – à savoir des tarifs flexibles selon les heures de la journée –, ce qui limite son impact.
- Réglementation de la performance énergétique des bâtiments : les coûts importants pour les propriétaires et les répercussions possibles sur les loyers pourraient en limiter la portée, surtout dans un contexte de pénurie de logements.
- Subventions pour l’achat de technologies écoénergétiques (p. ex. thermopompes, fenêtres haute performance) : les programmes de subvention sont encore méconnus et la rentabilité de l’investissement est limitée par les faibles tarifs.
- Sensibilisation : les bas tarifs et le désir de faire de l’électricité un outil de développement économique laissent supposer une certaine abondance. Ce faisant, les arguments pour inciter les citoyens à adopter des pratiques écoénergétiques sont plus difficiles à faire valoir au Québec. Aux yeux des citoyens, il apparaît contradictoire que des décideurs leur demandent d’économiser l’électricité et cherchent à les sensibiliser au caractère précieux de cette ressource.
À la lumière de cette analyse, nous proposons trois pistes de réflexion
- Il faut rapidement entreprendre une réflexion sur la tarification résidentielle de l’électricité : les bas tarifs actuels freinent l’investissement des ménages dans les technologies écoénergétiques. Même si le gouvernement a plafonné les hausses tarifaires à 3 % jusqu’en 2026, il est crucial d’amorcer dès maintenant un dialogue sur ce sujet pour le moins sensible au Québec.
- Le Québec doit tirer profit de ses nouveaux leviers pour l’efficacité énergétique : de nouvelles lois donnent au gouvernement le pouvoir d’accélérer les mesures en matière d’efficacité énergétique. Ces nouveaux pouvoirs doivent rapidement s’accompagner d’actions concrètes.
- Concilier les enjeux environnementaux, économiques et énergétiques : les efforts en matière d’efficacité énergétique doivent être au premier plan des orientations stratégiques du gouvernement parce qu’ils sont indispensables pour lui permettre d’atteindre simultanément ses ambitions économiques et environnementales.
Anthony Migneault