Rapport
Créer de la richesse tout en décarbonant le Québec :
mission possible?
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Communiqué de presse
On vante souvent la bonne performance environnementale du Québec en soulignant que ses habitants y émettent moins de gaz à effet de serre (GES) que dans les juridictions voisines. Mais cet avantage pourrait bien disparaitre si le Québec tente de créer de la richesse sans changer ses façons de faire. C’est ce que révèle ce rapport, premier d’une série d’analyses réalisées dans le cadre d’un vaste de projet de recherche soutenu par Environnement et Changement climatique Canada et ayant pour objectif de fournir une information nouvelle et stratégique pour parvenir à la carboneutralité au Québec, tout en préservant le niveau de vie de ses citoyens.
Les objectifs de décarbonation et de création de richesse du Québec manquent de cohérence
- En 2020 et en 2021, le gouvernement du Québec publiait deux politiques qui définissent ses objectifs de lutte contre les changements climatiques et de création de richesse. Son Plan pour une économie verte vise la carboneutralité d’ici 2050 et sa Vision économique cherche à éliminer l’écart de richesse avec l’Ontario.
- Considérés individuellement, ces objectifs sont déjà ambitieux et les dernières données disponibles indiquent que le Québec n’est pas en voie de les réaliser. Alors, les atteindre conjointement constitue un véritable tour de force puisqu’il faudra à la fois, réduire les émissions de GES que génèrent les activités économiques actuelles et limiter les émissions additionnelles engendrées par la croissance économique future.
- Comme l’économie du Québec émet déjà la même quantité de gaz à effet de serre (GES) par dollar de PIB que l’Ontario, rattraper l’écart de richesse avec son voisin – sans changer ses façons de faire – engendrerait une hausse des émissions de GES et l’éloignerait de son objectif de carboneutralité. À l’inverse, atteindre la carboneutralité dans les mêmes conditions imposerait une décroissance de son économie incompatible avec la croissance de sa population et de ses besoins.
- Mais la mission n’est pas impossible, pour atteindre ces objectifs, les politiques publiques devront viser une plus importante dissociation entre la croissance économique et les émissions de GES. Autrement dit, réussir à accroître le niveau de richesse du Québec tout en diminuant ses émissions de GES. Or, aujourd’hui, ces deux ambitions ne sont pas portées par les mêmes volontés.
- Pour se doter de politiques publiques plus cohérentes, mais aussi mieux les communiquer à la population, Québec aurait tout avantage à adopter et valoriser de nouveaux outils d’aide à la décision.
L’intensité carbone pour intégrer les enjeux économiques et environnementaux
- L’intensité carbone, c’est-à-dire la quantité d’émissions de GES pour chaque million de dollar de PIB, est un indicateur qui intègre à la fois la performance économique et environnementale. L’intensité carbone de l’économie québécoise doit diminuer de manière importante pour atteindre les objectifs de création de richesse et de décarbonation que la province s’est fixés.
- Encore peu documenté et suivi au Québec, cet indicateur reflète pourtant bien le double défi de la décarbonation qui consiste à réduire les émissions de GES tout en maintenant une croissance économique acceptable socialement.
- Pour les décideurs politiques, cet outil serait aussi plus facile à utiliser qu’un tableau de bord regroupant plusieurs données à suivre en simultané. Par ailleurs, on peut s’en servir tant pour mesurer l’intensité carbone d’une économie tout entière que celle de certains secteurs d’activités, ce qui peut contribuer à soutenir les politiques industrielles.
L’intensité carbone du Québec diminue mais moins rapidement qu’en Ontario
- Si l’intensité carbone de l’économie québécoise a diminué de moitié entre 1990 et 2022 (49 %), cette baisse a été plus rapide en Ontario (56 %). Si bien que la province voisine, qui affichait auparavant une économie plus intense en carbone, est désormais à égalité avec le Québec à ce chapitre.
- Pour réaliser simultanément ses objectifs de création de richesse et de décarbonation, le Québec devra réduire l’intensité carbone de son économie de 42 % d’ici 2030. Ce défi est considérable sachant que s’il maintient son rythme actuel, cette diminution n’atteindra que 16 %.
- Et ce, sans parler que les efforts de réduction de l’intensité carbone sont toujours plus difficiles et coûteux à fournir au fur et à mesure que l’on approche des dernières tonnes de GES à réduire.
Dans plusieurs industries, l’intensité carbone n’a pas diminué suffisamment pour permettre de créer de la richesse tout en émettant moins de GES
- Grâce à un traitement inédit des données économiques et environnementales, le présent rapport propose une analyse sectorielle de l’évolution de l’intensité carbone au sein de 11 industries clés du Québec qui représentent 76 % des émissions de GES.
- Cette analyse montre qu’alors que plusieurs industries québécoises ont vu leur intensité carbone diminuer, seul un nombre restreint sont parvenues à enregistrer une réduction de leurs émissions de GES en même temps. Ainsi, le commerce de gros et la fabrication comptent parmi les rares industries qui ont bien performé avec une baisse suffisante de leur intensité carbone pour réaliser à la fois une croissance économique et une réduction de leurs émissions de GES.
- Pour les industries des cultures agricoles et de l’élevage, de la construction, de la première transformation des métaux (principalement l’aluminium) et celle du transport par camion, la réduction de leur intensité carbone a été insuffisante. La croissance de leur activité économique a aussi engendré une hausse de leurs émissions de GES.
- Par ailleurs, d’autres industries ont carrément enregistré une augmentation de leur intensité carbone, c’est le cas des industries de l’extraction minière, du ciment et béton, et de la fabrication de matériel de transport. Pour chaque dollar de PIB réalisé dans ces industries, les émissions de GES ont été plus élevées en 2021 qu’en 2009.
- À la lumière de ces constats, une évidence s’impose : pour parvenir à diminuer l’intensité carbone au Québec, il faudra non seulement accroître la proportion d’industries plus performantes dans l’économie mais aussi s’assurer que les industries déjà en place améliorent leurs performances tant du point de vue économique qu’environnemental.
- Le prochain rapport à paraître dans le cadre de ce projet de recherche se penchera plus spécifiquement sur les leviers énergétiques et industriels permettant de réduire l’intensité carbone des industries du Québec.
Emna Braham,
Simon Savard,
Luc Belzile,
Alain Dubuc,
Anthony Migneault,
Mya Tazi