Depuis 2014, l’Institut du Québec produit annuellement une évaluation de la soutenabilité à long terme des finances publiques du Québec, avec la collaboration du Conference Board du Canada (CBdC). Grâce au modèle économétrique du CBdC, il est possible de projeter les trajectoires à long terme des revenus et dépenses du gouvernement du Québec.
Bien que le contexte économique actuel soit marqué par son lot d’incertitudes, causées notamment par le conflit qui perdure entre la Russie et l’Ukraine et des pressions inflationnistes qui s’exacerbent, les simulations de long terme procurent une évaluation robuste de la soutenabilité des finances publiques.
Les résultats des simulations indiquent que l’embellie prévue à court terme se confirme grâce à la vigueur d’une reprise amplement soutenue par d’importantes mesures de soutien aux revenus des ménages et aux entreprises. Alimenté par une hausse de la consommation de biens des ménages et par l’activité sur le marché immobilier, le solide rebond de l’économie entraîne une plus forte augmentation des revenus qu’anticipée.
Par ailleurs, les dépenses ont également été revues à la hausse lors de la mise à jour économique de l’automne 2021. En raison du contexte préélectoral, nous anticipons toutefois que de nouvelles dépenses seront annoncées dans le cadre du prochain budget du Québec. Ces hausses ne devraient pas pour autant avoir pour conséquence d’effacer les effets de la progression des revenus, tant et si bien, qu’à court terme, le déficit devrait être légèrement moins élevé que prévu. L’équilibre budgétaire au sens des comptes publics, c’est-à-dire avant les versements au Fonds des générations, devrait même être atteint dès 2023-2024 et maintenu jusqu’en 2026-2027. En tenant compte des versements au Fonds des générations, un déficit de l’ordre de 3 à 4 G$ par année perdurera sur cette période.
Malgré l’embellie de court terme, dès 2027-2028, les déficits budgétaires recommenceront à croître de façon plus prononcée. De telle sorte que, si rien n’est fait pour inverser cette tendance, les déficits pourraient atteindre près de 10 G$ dans 10 ans, et l’endettement connaîtrait une légère hausse par rapport au niveau prépandémique.
Cette pression fiscale s’explique principalement par le faible potentiel de croissance économique que le CBdC anticipe pour le Québec d’ici 2032 (1,3 %), ce qui affectera à la baisse les recettes du gouvernement. En raison du vieillissement de la population, la croissance du PIB ne pourra plus autant reposer sur la croissance de la population et celle du taux d’emploi s’en trouvera également limitée. L’accroissement de l’économie dépendra alors presque entièrement de la progression de la productivité.
Malheureusement, le Québec accuse toujours un retard important sur le plan de la productivité (6e rang des provinces canadiennes). L’investissement des entreprises, un déterminant important de la productivité, a été décevant au cours de la pandémie, si bien que le retard du Québec s’est creusé davantage. À cela s’ajoutent d’importants défis dans le système de santé et dans la gestion de la transition énergétique et de la lutte contre les changements climatiques, qui vont accroître la pression sur les dépenses de l’État.
Par conséquent, les marges de manœuvre dégagées par la croissance des revenus à court terme ne devraient pas servir à stimuler la consommation et la demande à court terme, mais plutôt à préparer le Québec aux défis de demain. En d’autres mots, les tentations électoralistes devraient céder leur place à des mesures visant à accroître la productivité et l’investissement privé, à attirer et perfectionner les talents locaux et internationaux, à développer des filières stratégiques, à préparer la transition verte et à repenser l’organisation de notre système de santé.
IDQ, Emna Braham, Simon Savard, Mia Homsy